TRIVIAL.
"Nue Vache", 2003, dessin à la mine de plomb et acrylique sur papier arche, 65 x 50 cm.
« Qui pisse contre le vent se rince les dents » proverbe de marin breton.
Dinosaure.
Notre culture a une grande tradition d’intellectualisation du trivial, très forte en France, le dessin-peinture intitulé "Nue vache" en est l’illustration. Il représente une fermière qui traie une vache. Quoi de plus simple et suffisamment original. D’abord superficiellement parce que cette scène est champêtre, une image extrêmement rare aujourd’hui, sortie de son cadre naturel, car plus du tout à la mode, même à la campagne. Ensuite parce que la traite se fait à la main, ce que presque plus personne par simple dénégation socioculturelle, ne sait actuellement faire comme pratique manuelle. Travail à main nue, à bras le corps comme on disait, qui entretenait la relation homme/animal/homme, ou le contraire, à une époque où même si nous les mangions comme aujourd’hui encore, nous donnions un prénom personnel à chaque bovin. Et encore parce l’action se déroule dans un champ ce qui n’arrive presque plus aux vaches de notre époque, où l’animal est devenu d’élevage intensif, de machine à traire et d’industrie laitière (1).
En l’an 2000 sont apparut dans nos étables des robots à traire. Ces "robots de traite" sont capables d’alerter automatiquement l’éleveur d’une baisse suspecte de lactation d’une vache, voire d’analyser en temps réel la qualité du lait. L’éleveur peut alors utiliser ces informations pour adapter la ration alimentaire fournie à l’animal, ou procéder à un examen sanitaire approfondi pour analyser les causes des variations observées. Toujours à l’avant garde des soins de stérilisation microbiologique pour leur lait, les vaches sont très surveillées par les éleveurs. Souvenons-nous que les races laitières (...) ont été les premières à utiliser l’insémination artificielle à des fins d’amélioration génétique…
Le chiffre d'affaires de l'agro-business laitier en France dépasse 20 milliards d'euros pour 2007. C'est 16 % de la production européenne et 5 % de la production mondiale. L'industrie laitière représente 20 % du chiffre d'affaires des industries agroalimentaires françaises. Elle emploie directement 180.000 personnes. Elle est le premier annonceur publicitaire de l'agro-alimentaire. Chaque Français consomme en moyenne 371 kg d'équivalent lait entier par an.
Pour comprendre l'irrésistible ascension du lait de vache, il faut faire un saut en arrière de quelques milliers d'années seulement. Les laitages sont en effet apparus dans l'alimentation humaine au néolithique avec l'élevage, mais seulement dans certaines régions du globe. Le mouton a été domestiqué il y a 11.000 ans, la chèvre et la vache 1.000 ans plus tard environ. Les traces les plus anciennes d'une consommation de laitages datent d'il y a environ 6.000 ans ; elles ont été retrouvées dans des poteries britanniques. Cela paraît beaucoup, 6 à 10.000 ans, mais ce n'est rien comparé aux sept millions d'années qui représentent l'histoire de l'évolution humaine. Sur une échelle de l'évolution représentant ces sept millions d'années, qui irait du 1er janvier au 31 décembre, le lait est introduit en fin d'après-midi du 31 décembre.
Thierry Souccar dans "Lait, mensonges et propagande" (2), nous raconte que : « À la fin du XIX e. siècle, le développement de la consommation de viande entraîne par ricochet celui des fermes laitières, d'autant que le chemin de fer permet de transporter le lait liquide. La pasteurisation, mise au point en 1871, favorise aussi la consommation de lait. On conseille à la ménagère de faire bouillir son lait avant de le consommer. Mais c’est vraiment au XXe siècle que l'on voit les laitages faire leur apparition dans les foyers grâce à l'essor de la réfrigération qui permet de conserver et de transporter le lait et à l'attrait pour les crèmes glacées qui se généralise. Au début des années 1950, le lait est encore livré aux détaillants dans des bidons. (…) Mais le 23 février 1950 l'État impose la vente du lait pasteurisé en bouteilles cachetées dans les villes de plus de 20 000 habitants. Dès lors, la distribution en bouteilles ou en “berlingots” se généralise. »
Le 26 novembre 1954, une circulaire du gouvernement Pierre Mendès France (1907-1982) (3), indique que tous les enfants du primaire bénéficieront à partir du 1er. Janvier 1955 de distributions de lait et de sucre. J’ai fait parti de cette classe d’élèves qui pour se fortifié, se vivifié a du tété le bon lait de notre mère à tous la nation.
« Ah ! La vache ! » Notre ruminante qui est végétarienne aurait préféré que l’on donna au petits humains du jus de légumes ou de fruits.
« La majorité des habitants de la planète, environ 75 %, n’est pas capable de digérer le sucre du lait qu’on appelle lactose. Lorsqu’il n’est pas transformé dans le tube digestif le lactose provoque des douleurs intestinales et des diarrhées, un phénomène observé expérimentalement chez le chien dès 1860. Mais comment font les bébés pour digérer le lait maternel ? Les bébés de toutes les espèces mammifères le digèrent sans souffrances parce qu’ils fabriquent une enzyme, appelée lactase, qui transforme le lactose en deux sucres acceptés par l’organisme : le galactose et le glucose. Après la petite enfance l’activité de cette enzyme chute chez la plupart de nos congénères et la digestion du lait devient pour eux problématique sinon impossible. La raison pour laquelle la lactase est éphémère nous ramène à l’histoire de l’évolution humaine : pendant sept millions d’années, et jusqu’à l’apparition de l’élevage il y a un peu moins de dix mille ans, il a été impossible de consommer le moindre lait de mammifère après le sevrage qui intervenait entre deux et quatre ans. Les troubles digestifs qui apparaissent lorsqu’on consomme du lait sont un héritage qui nous vient du fond des âges. (…) ne pas digérer le lait n'est ni une maladie, ni une anomalie qu'il faudrait corriger - contrairement à ce que voudrait vous huit croire la publicité - mais plutôt la règle chez les mammifères et dans l'espèce humaine. En réalité, aucun mammifère adulte - pas même le bœuf - n'est capable de digérer correctement le lait de vache, à l’exception de quelques groupes minoritaires de population humaine. Les Blancs originaires d'Europe du Nord et les tribus nomades qui pratiquent l'élevage depuis quelques milliers d'années. » (3).
La vache explique le dragon (Historia N° 367 bis, 1977) (4) « L’homme a vécu parmi les grands sauriens préhistoriques crachant du feu. La preuve de ce qui n’était jusqu’à maintenant qu’une hypothèse fort contestée a été administrée par une vache hollandaise de Lichtenvoorde, dans l’Est des Pays-Bas. Ayant mangé trop d’herbe mouillée elle enfla. Pour la délivrer de ses gaz, le vétérinaire local lui insinua un tube dans l’estomac et porta une allumette à son extrémité pour en vérifier le débit. Il en résulta un long jet de flamme qui mit le feu à l’étable, dont, heureusement, vache, vétérinaire et autre bétail parvinrent à s’échapper sans dommage. C’est exactement ce qui se passait à la fin de l’ère secondaire et au début du tertiaire, lorsque les grands sauriens, énormes dévoreurs de végétaux humides dans une atmosphère orageuse, beaucoup plus chaude et chargée d’électricité que maintenant, pouvaient mettre le feu à leur haleine très gazeuse, rien qu’en claquant des dents et en provoquant des étincelles. D’où le “mythe du dragon”, commun. Toutes les civilisations humaines. Simple, lointain mais très fidèle souvenir d’une époque où les premiers hommes vivaient avec les derniers de ces monstres antédiluviens. » (GEA-KLIO).
Jean-Bernard Pouchous - 2008.
Bibliographie :
-1- Alain Raveneau, Le Livre de la vache : La choisir - la connaître - l’élever - l’aimer, éd. Rustica, 2004.
-2- Thierry Soucacar, Lait - mensonges et propagande, éd. Thierry Soucacar, 2008.
-3- Eric Roussel, Pierre Mendès France, éd. Gallimard, coll. NRF Biographies, 2007.
-4- Historia N°367 bis, Crimes parfaits N° spécial (10,000 crimes impunis en France depuis 30 ans) , éd. GEA-KLIO, coll. Historia N°367 bis, 1977.