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Objectif.


"Enfant Pouce", 1983, mine de plomb sur papier arche, 108 x 75 cm.

« Un ange qui songeait à changer son visage se trouva soudain si changé que jamais plus ange ne songea à changer. »


Tendresse

Le portrait intitulé "Enfant pouce" de 1983, a été exécuté à la mine de plomb d’après une photographie de presse. Il est une sorte de synthèse abstraite de la juxtaposition du zonage minutieux au trait des pleins et des vides, des creux et des bosses, du noir, du blanc et des gris, comme la reproduction d’une carte photo-satellite d’un paysage, d’un monde, d’un univers vu en plongée. Pourtant nous sommes de face regardant ce visage en vue d’une reconnaissance militaire ou d’un éventuel diagnostique et pronostic.

Les modes de reproduction du réel sont nombreux, la photographie en est un, comme la peinture, le cinéma, la BD etc. La photographie a été considérée, dès sa naissance et jusqu’à aujourd’hui plus du tout, comme une sorte de reproducteur authentique et infaillible de la réalité, quelque chose comme une peinture enfin devenue objective et fidèle, nous écrit François Rosset dans son livre "Fantasmagories" (1) : « L’objectif photographique fut immédiatement reconnu comme “objectif” au sens à la fois technique et philosophique du terme : ce qu’il enregistrait était la vérité ou la réalité même, saisie indépendamment de tout parasitage subjectif ou artistique. Là où on se contentait de voir le réel peint ou dessiné, faute d’autres moyens, et avec tout ce que le résultat devait à la manière et à la personnalité de l’artiste, on tenait enfin la réalité même, authentifiée par le fait qu’aucune personne n’avait pu intervenir au cours de son enregistrement: la machine seule avait tranché. On pouvait enfin voir le monde en personne, en direct, en vérité. On semblait ignorer qu’une machine n’enre­gistre que sous des conditions aussi restrictives, encore que pour d’autres raisons, que celles d’un peintre ou d’un dessinateur. On oubliait aussi qu’une machine ne fonctionne que sur les instructions d’un fabricant et d’un opérateur. La machine avait fait oublier le machiniste. »

En dos de couverture, l’éditeur nous résume bien les intentions de l’auteur : «…la photographie, longtemps considérée comme le témoin le plus fidèle du réel, apparaît ici comme une inépuisable source de fantasmagories, capable de tout (c’est sa richesse) mais incapable de fidélité (c’est à la fois son privilège et sa limite). » François Rosset nous amène ainsi à penser que la photographie, comme le voyeurisme et le cinéma, échoue à rien saisir. Il illustre sa pensée par cette magnifique métaphore : « Si tout bouge il est impossible de rien attraper, ou plutôt impossible de rien saisir tel quel, de rien saisir sans le changer. On peut bien s’emparer d’un lapin qui court, mais c’est pour le tuer (et éventuellement le manger) : mais alors ce qu’on a saisi n’est plus l’objet dont on a réussi à s’emparer, mais un autre objet désormais inerte qui n’est devenu mangeable qu’à la condition de n’être plus vivant. »

Il essai de nous convaincre qu’aujourd’hui, peinture et photographie se nourrissent désormais l’une de l’autre. De même que la bande dessinée qui s’est un temps inspirée du cinéma en est vite arrivée à influencer à son tour le cinéma.

« La prise de distance de la peinture par rapport au réel - c’est-à-dire au réel extérieur à la réalité picturale ­ s’est trouvée accentuée par l’avènement de la peinture dite « abstraite », qui a achevé de jeter aux oubliettes le faux problème de la capacité de la peinture à représenter le réel. La peinture abstraite, mais aussi et d’abord l’idée, qui s’est petit à petit imposée, que toute peinture, même dite « figurative », était d’abord et essentiellement une peinture abstraite, c’est-à-dire un jeu de formes et de couleurs: rien que de la peinture jetée sur une toile, comme le dit je crois Baudelaire. En sorte qu’il n’y a jamais eu de raison de confronter le réel à la peinture, puisque celle-ci est un art qui constitue, tout comme la musique, une réalité à part. »

Introduisant son essai par un aveu pathétique de Hubert Monteilhet (1828-…) (2) :

« Sans cet abri permanent du mensonge,

j’aurais tout simplement été moi-même. »

Il soutient une thèse très simple à méditer, je cite: « que le réel ne se définit pas par rapport à l‘imaginaire mais par rapport à l’illusoire. En d’autres termes l’imaginaire est un des modes de préhension du réel alors que l’illusoire est le mode par excellence de dénégation du réel. »

Jean-Bernard Pouchous - 2006.

Bibliographie :

-1- François Rosset, Fantasmagories, éd. de Minuit, coll. Paradoxe, 2005.

-2- Hubert Monteilhet, Ce que je crois - et pourquoi, éd. de Fallois, 1993.

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