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Millais, Ophélia.


"D'après Millais, Ophélia", 2010, acrylique sur toile, 35 x 27 cm.

« (…) la raison ne voit que ce qu’elle produit elle-même d’après ses propres plans » et « qu’elle doit obliger la nature à répondre à ses questions et ne pas se laisser conduire pour ainsi dire en laisse par elle » Emmanuel Kant (1).


Le goût de vivre.

La peinture intitulée "D'après Millais, Ophélia", a été peinte d’après "La Mort d'Ophélie" (1851), huile sur toile (76 x 112 cm.), de John Everett Millais (1829/1895), exposée à la Tate Britain de Londres.

C'est à la Royal Academy of Arts que Millais (2) rencontra par la suite William Holman Hunt (1827-1910), puis Dante Gabriel Rossetti (1828-1882). Deux ans plus tard, les trois fondaient la fraternité "Préraphaélite" (1848) (3). L'artiste, qui épouse en 1854 Effie Gray (1828-1897), l'ex-femme de John Ruskin (1819-1900), zélateur de la confrérie des Préraphaélites, s’éloigne alors peu à peu du groupe d’amis de sa jeunesse.

Millais connaît le succès grâce à "La Mort d'Ophélie", où le peintre fait preuve d'une fascinante virtuosité technique. Poème d'apprentissage fidèle au Parnasse dont il reprend les expressions de Théodore de Banville (1823-1891), il est inspiré par le drame d' "Hamlet" dont il reprend l'image d'Ophélie qui couronnée de fleurs décide de mourir en se noyant. A travers le charme de ce mythe shakespearien (éternelle et mortelle), on voit poindre le Arthur Rimbaud (1854-1891) d'une "Saison en enfer" et des "illuminations" qui parviendra à créer une nouvelle langue poétique.

« I

Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles

La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,

Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles ...

- On entend dans les bois lointains des hallalis,


Voici plus de mille ans que la triste Ophélie

Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir;

Voici plus de mille ans que sa douce folie

Murmure sa romance à la brise du soir.


Le vent baise ses seins et déploie en corolle

Ses grands voiles bercés mollement par les eaux;

Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,

Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.


Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle;

Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,

Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile:

- Un chant mystérieux tombe des astres d'or.

II O pâle Ophélia ! belle comme la neige !

Oui, tu mourus, enfant, par un fleuve emporté!

- C'est que les vents tombant des grands monts de Norvège

T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;


C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,

A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ;

Que ton cœurécoutait le chant de la Nature

Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;


C'est que la voix des mers folles, immense râle,

Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ;

C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,

Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux!


Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle!

Tu te fondais à lui comme une neige au feu :

Tes grandes visions étranglaient ta parole

- Et l'Infini terrible effara ton œil bleu !

III - Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles

Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,

Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,

La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys. »

Arthur Rimbaud "Ophélie", Lettre à Théodore de Banville, 24 mai 1870 (4).

Jean-Bernard Pouchous - 2012.

Bibliographie :

-1-Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, éd. Puf, coll. Quadrige, 2012.

-2- Christine Riding, John Everett Millais, éd. Tate Publishing, coll. British Artists, 2006.

-3- Elizabeth Prettejohn, The Art of the Pre-Raphaelites, éd. Princeton NJ : Princeton University Press, 2000.

-4- Arthur Rimbaud, Pierre Brunel, Oeuvres complètes : Poésie, prose et correspondance, éd. Le Livre de Poche, 2004.

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