Alfred Stevens (1823-1906).
"D'après Stevens - Le Bain", 2010, acrylique sur toile, 35 x 27 cm.
« Les femmes du monde vivent une vie de martyre. Pour essayer et faire valoir les toilettes que les couturières se tuent à bâtir, du soir au matin elles font la navette d'une robe dans une autre ; pendant des heures, elles livrent leurs têtes creuses aux artistes capillaires qui, à tout prix, veulent assouvir leur passion pour l'échafaudage des faux chignons. Sanglées dans leurs corsets, à l'étroit dans leurs bottines, décolletées à faire rougir un sapeur, elles tournoient des nuits entières dans leurs bals de charité afin de ramasser quelques sous pour le pauvre monde. » Saintes âmes ! Paul Lafargue, Le droit à la paresse (1).
Alfred Stevens (1823-1906).
Salonnard.
La peinture intitulée "D'après Stevens - Le Bain", a été peinte d’après "Le Bain" (1867), huile sur toile (73,5 x 92,8 cm.), d’Alfred Stevens (1823-1906), exposée au Musée d’Orsay, Paris.
Après ses études à l'Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, Alfred Stevens (1823-1906) (2) s'installa à Paris. Il y évolua avec aisance dans l'univers virevoltant du Second Empire et de la "fashion victim" qu'était la marquise d'Ardales, marquise de Moya, comtesse de Teba, comtesse de Montijo, dite Eugénie de Montijo (1826-1920) appelée aussi l'impératrice Eugénie car épouse de Napoléon III (1808-1873) premier Président de la République française élu en1848 et empereur des Français (1852/1870).
Après la défaite de Sedan (1970), l’empire s’écroule et Alfred Stevens s'intègre très vite dans les salons feutrés de la Troisième République. Il développa avec adresse un talent unique pour le rendu de la soie, du cachemire, du velours et de la mousseline, qui flamboyaient dans ses évocations de femmes de la bourgeoisie, vêtues de robes chatoyantes et évoluant dans des intérieurs à l'aménagement exotique. Des femmes élégantes parées de châles en cachemire, qui chiffonnent nonchalamment un billet doux ou abandonnent un mouchoir en dentelle. L’artiste les a représentées avec leurs gestes, leurs névroses et leurs caprices, tout en magnifiant leurs robes fastueuses, et en chargeant de sous-entendus leurs rubans moirés et leurs éventails exotiques. Alfred Stevens comptait la fine fleur du monde artistique et littéraire parmi ses amis intimes, de Charles Baudelaire (1821-1867) à Sarah Bernhardt (1844-1923) en passant par Alexandre Dumas fils (1824-1895), Edgar Degas (1834-1917). Il admirait Eugène Delacroix (1798-1863), et Diego Vélasquez (1599-1660), ce qui ne l'empêchait nullement d'apprécier particulièrement les anciens maîtres hollandais tels Johannes Vermeer (1632-1675) et Gerard ter Borch (1617-1681), chez qui il puisa l'inspiration de ses intérieurs baignés de subtils jeux de lumière.
Il est l’ami intime de Édouard Manet (1832-1883) à qui il présente le grand marchand de tableaux Paul Durand-Ruel (1831-1922).
Ses oeuvres à succès, nous replongent dans les cercles mondains des nouveaux quartiers d’immeubles et des grands boulevards du Paris nouvellement urbanisé par le baron Georges Eugène Haussmann (1809-1891). En ces temps du capitaliste visionnaire et du triomphe de la bourgeoisie entrepreneuriale, Stevens eut le génie de saisir l’esprit de son temps avec tous les raffinements des intérieurs privés cossus de la haute société moderne du siècle industriel.
« Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie est l'amour du travail. » Paul Lafargue.
Jean-Bernard Pouchous - 2010.
Bibliographie :
-1- Paul Lafargue, Le droit à la paresse, éd. Mille et une nuits, 2000.
-2- Saskia de Bodt, Danielle Derrey-Capon, Michel Draguet, Dominique Marechal, Alfred Stevens : Bruxelles-Paris 1823-1906, éd. Fonds Mercator, coll. Fonds Mercator, 2009.