SEXE SYMBOL.
"Marlon", 1980, huile sur toile, 54 x 65 cm.
« judex damnatur ubi nocens absolvitur » (Le juge est condamné quand le coupable est acquitté). Pubilius Syrus (-85 à -43).
Charisme.
Plus "macho" tu meurs ! Est-ce qu’il va l’étrangler ou l’embrasser sur la bouche ? Cette peinture intitulée "Marlon", montre l’acteur Marlon Brando (1924-2004) (1), star hollywoodienne - sex-symbol et Maria Schneider (1952-…), dans une scène célèbre de "Dernier Tango à Paris" (Ultimo tango a Parigi ou Last Tango in Paris) (2), film franco-italien sorti en 1972, de Bernardo Bertolucci (1941-…) (3). C’est la seule production au monde que l’on peut accuser d’immoralité, à cause d’une tablette de beurre ...
«Toutes les personnes de bonne foi conviendront... qu’il exagère...»
«Il est certain que...çà va lui plaire...»
«Je suis sûr que... il le fait exprés...»
«Nul ne sait... comment çà va finir... »
«Le seul capable de...la séduire c’est lui...»
«Rien n’est plus sot que de... vouloir lui résister...»
Voilà des affirmations inductives à l’appui desquelles nous ne pouvons fournir aucune réponse significative. Nous nous servons beaucoup des proverbes pour nos démonstrations autant que les avocats lorsqu’ils citent les cas de jurisprudences. Ils ne nous proposent pas des arguments plus probants:
« Tout est vanité. » L’Ecclésiaste.
« Qui tout convoite, tout perd. » Le lai de l’Oiselet (poème du XIIIe siècle).
« Tout passe, tout lasse, tout casse. »
« Tout vient à point à qui sait attendre…»
« Tout fait ventre. »
« Plus on est de fous, plus on rit. »
Voilà des assertions bâties sur des extrapolations contestables. On pourrait citer maints exemples prouvant que le contraire existe.
Désuète et gentillette, naïve et dépassée, la morale de nos grands-parents a-t-elle disparut ? A l'école primaire d'autrefois, le cours de morale était obligatoire. Des petits manuels se publiaient, destinés aux enfants de la communale (4).
Les grands moralistes échappent-ils à la tentation généralisatrice ?
Nos nombreuses maximes montrent bien qu’ils y succombent parfois :
« Le sommeil du laborieux est doux. » L’Ecclésiaste (IIIe siècle av. J.-C.)
« On a plus de mal à ne rien faire qu’à travailler.» Quintus Ennius (-239 à -169).
« Le courage croît en osant et la peur en hésitant. » Pubilius Syrus (-85à -43).
« La pauvreté est la mère du crime. » Cassiodore (485-580).
« Les maris calmes font les femmes orageuses. » Thomas Decker (1572-1632) poète Elizabétain.
« Si la pauvreté est la mère des crimes, le défaut d’esprit en est le père. », La Bruyère (1645-1696).
« Tout ce qui est exagéré est insignifiant. » Pigault-Lebrun (1753-1835).
« Ceux qui ont mille fantaisies n’ont pas un seul goût. » Madame de Staël (1766-1817).
«Tous les événements ne tiennent qu’à un cheveu. » Napoléon 1er. (1769-1821).
Y-a-t-il une morale dans tout çà ?
« Depuis la plus haute antiquité, des générations de théologiens, de philosophes, de légistes ont tenté de répondre à cette question. Mais la multiplicité de leurs doctrines, de leurs réglementations, engendre le doute. Pour beaucoup, la morale est une évidence. Certains pensent que nous possédons une conscience morale qui nous fait infailliblement discerner le bien et le mal, ce que nous devons faire et ce dont nous devons nous abstenir, mais personne jusqu’ici n’a pu démontrer l’existence d’une conscience réservée à l’éthique, différente de la conscience tout court qui se manifeste dans le cogito cartésien. D’autres soutiennent que nous éprouvons spontanément des sentiments moraux qu’engendrent les émotions (la sympathie et le ressentiment naîtraient ainsi), mais leurs démonstrations, fondées principalement sur des récits peu vérifiables et bien extraordinaires d’aventures vécues par des enfants ou des animaux, sont peu crédibles. Selon une théorie défendue par des esprits qui ne sont pas secondaires (Confucius, Hobbes, le pape Jean-Paul II entre autres) il existerait une morale commune à tous les habitants de la planète, depuis que les hommes existent, valable dans tous les pays, à toutes les époques, et cette morale tiendrait son universalité du fait qu’elle est naturellement implantée en l’homme dès sa naissance, par le seul fait qu’il est homme, qu’il a une raison, et que cette raison ne peut faire autrement que de promouvoir jusqu’à la fin des temps certains principes fondamentaux. Malheureusement, les partisans de cette morale dite “naturelle” se contentent de l’affirmer sans jamais la démontrer. De nombreux et doctes philosophes ont tenté de substituer à ces hypothèses des certitudes et, pour cela, ont élaboré à qui mieux mieux des théories qui ne manquent pas d’intérêt mais dont aucune n’emporte vraiment l’adhésion. »
Car de non moins doctes philosophes, baptisés "sceptiques", au premier rang desquels il faut placer Pyrrhon, Montaigne, Pascal, La Rochefoucauld, et de très importants ethnologues comme Frazer et Westermark, ont montré qu’à toutes les époques, dans toutes les parties du monde, les principes moraux les plus différents ont cohabité et que ce qui était considéré comme monstrueux et interdit dans un pays était non seulement licite dans un autre mais prisé et recommandé. Des comportements que nous considérons comme des abominations, mensonge, homicide, inceste, homosexualité, suicide, cannibalisme, esclavage, ont eu leurs partisans et leurs laudateurs. Pour Nietzsche, la morale est une forme de timidité, le signe d’une décadence, une perversion car : « Le bien et le mal qui seraient impérissables n’existent pas ».
Pourquoi, demande-t-il : « (…) a-t-on accordé à l’homme bon une valeur supérieure à celle du méchant? Et si le contraire était vrai ? » Sa conclusion est que: « Les préoccupations morales placent un esprit à un rang inférieur ». Pourtant, les nations, les groupes, les individus ne vivent pas dans une totale anarchie, s’entendent pour respecter un certain nombre de conventions. Le scepticisme, le nihilisme paraissent d’intéressants moments de la pensée, mais ne conduisant qu’à des voies sans issue. On en vient à se demander s’il ne faudrait pas examiner les hommes, leurs coutumes, leurs tabous, leurs règles, leurs lois d’une façon différente de celles proposées par les religions, les juristes, les moralistes. Ce que révèle l’axiome du sens. Un des axiomes importants de l’ethnométhodologie est que le sens n’est pas universel. Ceux qui prétendent qu’il y a une morale universelle, pour toutes les époques, se fondent sur une conception monolithique du sens des mots. Pour eux, la vertu, l’honnêteté, la bonté, seraient perçues et pratiquées de façon identique dans tous les siècles, tous les pays, tous les groupes sociaux. Or, pour l’ethnométhodologie, le sens des mots (et par suite celui des idées) est fonction du lieu, du moment, de la population, du contexte. La conception de l’honneur, du devoir, du courage, de la vanité, de la honte, de la justice, n’est pas la même pour l’homme du XVIe siècle et pour celui du XX e., pour le Français et le Patagon, pour le Parisien et l’habitant de la Lozère, pour le nanti et le nécessiteux. La simple application de l’axiome du sens montre que la signification que nous attachons à une théorie, à une idée, à une action morale ne peut s’imposer à tous : elle est par nature limitée, à quelques individus, à des groupes réduits. » Hubert de Luze dans "L’ethnométhodologie" (5).
Restons franc et direct mais cultivé, comme Alfred de Musset (1810-1857), qui aurait envoyé cet acrostiche à Amantine Aurore Lucile Dupin, dite George Sand , devenue par la suite baronne Dudevant (1804-1876) (6) :
« Quand je mets à vos pieds un éternel hommage
Voulez-vous qu’un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d’un cœur
Que pour vous adorer forma le Créateur
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n’ose dire
Avec soin, de mes vers lisez les premiers mots
Vous saurez quel remède apporter à mes maux. »
George Sand répondit :
« Cette insigne faveur que votre cœur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme.
Ou
Cette insigne faveur que votre cœur réclame
Nuit peut être à l’honneur mais répond à ma flamme. »
Allez, un petit dernier, pour la route :
« Heureux sont ceux dont la vie a été achevée, accomplie. »
Voilà une maxime d’Anthony Burgess, auteur de "L’Orange mécanique" (A Clockwork Orange) dans lequel son héros violent et immoral parle un méta-argot, le "nadsat" (russe, manouche, anglais) (7), de quoi donner des idées linguistiques aux idiots ?
Jean-Bernard Pouchous - 2006.
Bibliographie :
-1- Patrick Brion, Marlon Brando, éd. de la Martinière, coll. Cinéma, 2006.
-2- Robert Alley, Le dernier tango à paris, éd. J'Ai Lu, 1975.
-3- Bernardo Bertolucci, Enzo Ungari, Donald Ranvaud, Bertolucci par Bertolucci, éd. Calmann-Lévy, 2001.
-4- Archives & culture, Les livres de morale de nos grands-mères, éd. Archives et Culture, coll. Vie d'Autrefois, 2006.
-5- Hubert de Luze, L'ethnométhodologie, éd. Economica, coll. Poche Ethno-sociologie, 1997.
-6- George Sand, Alfred de Musset, Françoise Sagan, Lettres d'amour, éd. Hermann, coll. Savoir, 1996.
-7- Anthony Burgess, L'Orange mécanique, éd. Le Livre de Poche, coll. Ldp Littérature, 1995.