INDIVIDU.
"Lison et Marie", 1995, acrylique sur toile, 80 x 50 cm.
« Les Immortels t’emmèneront chez le blond Rhadamanthe,
Aux champs Élyséens, qui sont tout au bout de la terre.
C’est là que la plus douce vie est offerte aux humains ;
Jamais neige ni grands froids ni averses non plus ;
On ne sent partout que zéphyrs dont les brises sifflantes
Montent de l’Océan pour donner la fraîcheur aux hommes. » Homère (1).
Ce n’est que de l’eau, camarade!
La peinture intitulée "Lison et Marie", représente deux enfants qui nous regardent. Nous sommes au bord de la piscine familiale, pendant les vacances scolaires d’été, Marie, ma belle fille, s’amuse avec une de ses petites cousines maternelles Lison, elles nous sourient. Quand il fait très chaud, les abeilles viennent boirent sur la margelle éclaboussée d’eau et des fois tombent dans l’eau où elles se débattent avec acharnement pour ne pas se noyer. Les enfants en ont très peurs et les repoussent avec toutes sorte d’outils pour pouvoirs nager tranquillement.
Les abeilles ne semblent pas avoir d’opinion, ni même d’intérêt personnel différent de l’intérêt du groupe. L’intelligence collective dans une société humaine peut-être limitée par des effets de groupe (conformisme, crainte, fermeture, absence de procédure, homogénéité idéologique), au point que l’individu seul peut parfaitement être plus intelligent que tout un groupe car conservant mieux sa pensée critique que sous l’influence de celui-ci. En plus, l’intelligence collective connaît de nombreux cas de défaillance, notamment dans les décisions de groupe, les membres n’osant pas, par exemple, dire ce qu’ils pensent. Le groupe acceptera alors passivement un état de fait dont chaque individu se doute bien qu’il mène à une catastrophe. Les débats s’ils sont mal menés, peuvent être le lieu de discussions confuses et stériles sur les choix et les conséquences des décisions et sans objectifs. L’avis des experts est toujours sans conséquence face à l’opinion d’un groupe cultivant l’erreur. L’histoire montre que les votes démocratiques peuvent porter un dictateur à la tête d’un État. L’expérience montre que les représentations collectives qui norment les comportements peuvent se faire aux détriments d’une classe sociale ou d’une autre…
Pourtant, l’intelligence collective dans une société humaine provient d’interactions plus complexes qui ne semble et répond à diverses conditions. Par exemple, une communauté d’intérêts nécessite dans le cadre d’une libre appartenance, une adhésion fondée sur des buts communs et une confiance mutuelle entre les membres. Dans le cadre d’une structure horizontale, elle nécessite des règles (tacites ou explicites) identiques pour tous les membres et une organisation dynamique, ce qui induit une répartition des rôles qui soit fondée sur le volontariat et la complémentarité des compétences. Dans le cadre d’une gestion collective, elle nécessite une autonomie des membres ce qui suppose que chacun soit responsable de sa propre action et que les décisions stratégiques soient basées sur le vote ou sur le consensus. Un espace collaboratif nécessite des outils de coopération, dans un réseau de communication permettant l’interaction entre tous les membres et des interfaces facilitant la coordination des actions. Il nécessite un système d’information permettant un accès total et en temps réel à l’information pour l’ensemble de la communauté et une vue synthétique et contextuelle de la situation pour chaque membre. Il est nécessaire qu’un processus d’apprentissage soit mis en place, comportant un système de régulation avec évaluation, contrôle, optimisation, correction des erreurs. La constitution d’un corpus de connaissances est également nécessaire, avec archivage et indexation de l’information. Enfin il y faut un partage d’expériences et de pratiques, émergence d’une conscience commune.
La famille est une forme d’intelligence collective. C’est une communauté de personnes réunies par des liens de parenté qui peut produire collectivement de l’intelligence. Elle est dotée d’une personnalité juridique, d’un nom, d’un domicile et d’un patrimoine commun, et crée entre ses membres une obligation juridique de solidarité morale et matérielle, censée protéger ses membres et favoriser leur développement social, physique et affectif. La famille est à la fois une institution sociale, juridique et économique, qui existe dans toutes les sociétés humaines. Elle aussi connaît de nombreux cas de défaillance, voir de divorce entre ses membres. Les phénomènes de recomposition familiale, un cas sur dix actuellement en France ne change rien à l’affaire, les relations de parenté restent principalement la filiation, l’alliance et l’adoption, avec des règles qui diffèrent selon les sociétés. La grandeur de la famille, c’est-à-dire le nombre des individus qui en font partie, reste également déterminée par le degré de parenté permettant de savoir où commence l’inceste et où s’arrête l’obligation de solidarité. Dans les sociétés traditionnelles, les familles élargies ou clan, comportent des dizaines, voire des centaines de ménages ayant des fonctions diversifiées. Elles possèdent un patrimoine communautaire, comportant des terres, des maisons, des métiers, qui sont attribués ou loués comme biens privatifs pour permettre aux nouveaux ménages de s’établir. Les familles claniques permettent la réa-filiation, non seulement d’individus isolés, mais aussi des familles étrangères complètes. Dans les sociétés modernes, la famille s’est progressivement restreinte à un seul degré de parenté ou d’alliance. Les membres de la famille ont des statuts différentiés en fonction de l’âge, du sexe, du rang dans la filiation, des talents, et de divers autres critères d’attribution de rôles sociaux ou économiques. Dans l’aire de civilisation européenne, ces statuts sont dans l’ordre, le parent, le père, la mère, l’oncle, la tante, le cousin, le cousin issu de germain, le parrain et la marraine, le beau-père, la belle-mère, la mère adoptive, ou marâtre, l’aïeul, le mari, l’épouse, le fils, la fille, la belle fille, la filleule, la cadette, la benjamine, le petit-fils, le chef de famille, etc... En droit français, les personnes mariées se doivent “secours et assistance”. Les ascendants et les descendants, par filiation ou par alliance, se doivent aussi l’aliment. Mais plus les frères et soeurs, beaux-frères et belles-soeurs. La famille, avec son mode de transmission parent-enfant, est considérée comme le lieu par excellence de la transmission des patrimoines financier, culturel, social et donc de la reproduction des groupes sociaux et culturels, donc d’intelligence collective. La famille est par-là le premier lieu de socialisation de l’individu. Il s’agit d’un processus d’apprentissage indispensable à un individu qui lui permet d’acquérir les modèles culturels de la société dans laquelle il vit et agit. Cette socialisation est le résultat à la fois d’une contrainte imposée par certains agents sociaux, mais aussi et surtout d’une interaction entre l’individu et son environnement.
« La foule, c'est le mensonge ! » Søren Aabye Kierkegaard (1913-1855) (2).
Jean-Bernard Pouchous - 2007.
Bibliographie :
-1- Homère, trad. Louis Bardollet, L’Iliade et l’Odyssée, éd. Robert Laffont, coll. Bouquins1995.
-2- Etienne Naveau, La foule, c'est le mensonge (Kierkegaard), éd. Pleins Feux, coll. Variations, 2002.