29-Danseuse.

"Danseuse", 2003, acrylique sur toile, 80 x 40 cm.

« Les sommets sont balayés par les vents. » Ovide (1).

Golf.

Voilà peint dans cette oeuvre intitulée "Danseuse", tel quel, le contenu d’une étagère de la bibliothèque de la maison !

Une danseuse en plastique couleur chair et tutu bleu est en position classique, talon d’un pied contre le coup de pied de l’autre (réalisée avec pointes). Il s’agit d’un petit jouet (4 cm. de haut) monté sur un socle aimanté, si on avance cette petite danseuse devant un miroir métallique de sa taille, elle se met à tourner sur elle-même. Je crois que c’est Jean-Marc Matos, le chorégraphe pour lequel j’avais réalisé un décor vidéographique intitulé "Iles", pour le Festival d’Avignon en 1984, qui me l’avait offert, c’est un beau souvenir. Derrière il y a 2 balles de golf récupérées lors d’une promenade aux alentours d’un parcourt prés de Paris. En arrière plan, nous distinguons plusieurs livres dont de gauche à droite "Pour comprendre les médias" de Mc Luhan (2), "L’Espoir" d’André Malraux (3) et à droite à peine reconnaissable, "Ni Marx ni Jésus" de Jean-François Revel (4). Rien qu’à leurs titres, ces ouvrages m’évoquent plein de souvenirs de jeunesse. J’aime lire, je lis beaucoup de livre, une fois lus, je les range sur une étagère parce que j’en relis certains, d’autres restent pour moi de véritables interrogations : « mais comment, ai-je pue m’intéresser à çà ? »

Herbert Marshall McLuhan (1911-1980), est l’un des fondateurs des études contemporaines sur les médias. Le livre "Pour comprendre les médias", sorti en 1968, pourrait être résumé par cette simple phrase : « Le message c’est le média ». Ainsi, il démontre que le message, contenu de la communication, est accessoire; le véritable message étant le média lui-même. Les médias (presse, radio, télévision, livre, etc), véritables prothèses sensorielles, d’après l’auteur exercent une action profonde sur l’individu puisqu’ils sont le prolongement de nos organes physiques et de notre système nerveux. Celui-là je l’ai lu plusieurs fois, génial ! Tellement génial qu’entre lecteur nous disions entre nous : « Le message, c’est le massage » ou « le média, c’est le massage ».

Avec André Malraux (1901-1976) c’était "L’Espoir". Quand j’étais aux Beaux Arts de Paris, les élèves de l’atelier où j’étudiais la peinture, avaient été invités à un vernissage. En fin de soirée, la galiériste nous invita à un grand repas où il y avait un invité d’honneur qui n’était autre que Malraux en personne. Ce fut aussi inattendu que formidable ! Nous connaissions tous l’homme de gauche devenu gaulliste tant médiatisé ainsi que le très célèbre Ministre d’Etat, chargé des Affaires culturelles de 1959 à 1969. Nous avions tous lu ses livres, notamment : "L’Espoir", "La Condition humaine" (5) et évidemment "Le Musée imaginaire" (6), "La Métamorphose des dieux" avec "Le Surnaturel" (7), "L’Irréel" (8), "L’Intemporel" (9), etc.

Nous avions chacun une admiration partagée pour le jeune Malraux mis en prison pour avoir découpé un bas relief du temple de "Banteay Srei" à Angkor afin de le vendre à un collectionneur de ses amis et une admiration sans borne pour le militant anti fasciste et anti nazi. Nous aimions le colonel d’escadrille, qui avait rejoint les républicains espagnols contre le dictateur espagnol Franco (1892-1975). Malraux était celui qui s’était engagé en 1939 à la déclaration de guerre, qui avait été fait prisonnier, s’était évadé, était rentré en résistance et avait commandé la "brigade Alsace Lorraine" à la libération. Nous étions perplexe face au propos du créateur des Maisons de la Culture, adhérant au Collège de Pataphysique, quand il évoquait être le premier animateur de l’action culturelle à développer une culture de masse en donnant un rôle d’initiateur à l’État, avec une volonté de démocratiser la culture consacrée par un élargissement des interventions de ce qui s’appelait déjà l’État-providence (10). Nous l’avions tous vu sur les tubes cathodiques de l’ORTF (11). Office de Radiodiffusion-Télévision Française qui en 1968, était entré en résistance en exerçant un service minimum. Hélas, Malraux acheva son parcours politique en tête de la manifestation de ceux qui réclamaient la restauration de l’ordre à l’Arc de Triomphe le 30 mai 68. Malgré tout çà, nous respections cet agnostique pratiquant fraternité et humanisme. Riant avec lui, il devenait évident que malgré son vieil âge il était resté fidèle à son besoin de dépassement, de liberté et d’Art. Très volubile il parla de sa fraternité avec les artistes comme Georges Braque (882-1963) (12), Marc Chagall (1887-1985) (13), Alberto Giacometti (1901-1966) (14), André Masson (1896-1987) (15), Henri Matisse (1859-1954) (16), Pablo Picasso (1881-1972) (17), et les auteurs et intellectuels comme Louis Aragon (1897-1982) (18), André Breton (1896-1966) (19), Jean Cocteau (1889-1963) (20), André Gide (1869-1951) (21), François Mauriac (1885-1970) (22), Pierre Reverdy (1889-1960) (23), Louise de Vilmorin (1902-1969) (24) ...

Enfin, le livre polémique et provocateur "Ni Marx ni Jésus" (1970), de Jean-François Revel (1924-2006), écrivain et journaliste, se voulait une théorie du droit d’ingérence. Il évoquait l’avènement d’une "seconde révolution américaine" qui nous mènerait inexorablement vers une "seconde révolution mondiale", il eut évidemment pas mal de succès…

Je m’interroge encore pourquoi ?

Toute une époque !

Jean-Bernard Pouchous - 2009.

Bibliographie :

-1- Ovide, Les amours, éd. Belles Lettres, coll. Classiques de Poche, 2002.

-2- Herbert Marshall Mc. Luhan, Pour comprendre les médias, éd. Seuil, coll. Points, 1968.

-3- André Malraux, L’Espoir, éd. Gallimard, coll. Folio, 1972.

-4- Jean-François Revel, Ni Marx ni Jésus, éd. Robert Laffont, 1970.

-5- André Malraux, La Condition humaine, éd. Gallimard, coll. Folio, 1972.

-6- André Malraux, Le Musée imaginaire, éd. Gallimard, coll. Folio Essais, 1996.

-7- André Malraux, La métamorphose des dieux - t. 1 : Le Surnaturel, éd. Gallimard, coll. Livre d'Art, 1977.

-8- André Malraux, La métamorphose des dieux - t. 2 : L'Irréel, éd. Gallimard, coll. Livre d'Art, 1974.

-9- André Malraux, La métamorphose des dieux - t. 3 : L'Intemporel, éd. Gallimard, coll. Livre d'Art, 1976.

-10- François-Xavier Merrien, L'État-Providence, éd. PUF, coll. Que sais-je?, 2003.

-11- Jean-Pierre Filiu, Jean-Noël Jeanneney, Mai 68 à l'ORTF : Une radio-télévision en résistance, éd. Nouveau Monde, coll. Histoire/Médias, 2008.

-12- Jean Leymarie, Georges Braque, éd. Edisud, 1995.

-13- Elisabeth Pacoud-Reme, Marc Chagall, éd. Actes Sud, 2007.

-14- Jacques Dupin, Ernst Scheidegger, Alberto Giacometti : Eclats d’un portrait, éd. Autre Dimanche, coll. Livres d’Art, 2007.

-15- Cristiane Moutel, Le bestiaire d’André Masson, éd. ENSBA, 2009.

-16- Marcelin Pleynet, Henri Matisse, éd. Gallimard, coll. Folio Essais, 1993.

-17- Ingo F. Walther, Pablo Picasso, 1881 - 1973, éd. Taschen, 2000.

-18- Louis Aragon, Le paysan de Paris, éd. Gallimard, coll. Folio, 1973.

-19- André Breton, Le Surréalisme et la peinture, éd. Gallimard, coll. Folio, 2002.

-20- Jean Cocteau, La machine infernale, éd. LGF, coll. Livre de Poche, 1992.

-21- André Gide, Les nourritures terrestre, éd. Gallimard, coll. Folio, 1977.

-22- François Mauriac, La fin de la nuit, éd. Grasset, 1967.

-23- Pierre Reverdy, Source du vent, éd. Gallimard, coll. Poésie, 1971.

-24- Louise de Vilmorin, Jean Hugo, L’Alphabet des aveux, éd. Gallimard, 2004.