Bushbaby
"Galago", 2010, acrylique sur toile, 22 x 16 cm.
« Il ou elle n’a plus le même corps, la même espérance de vie, n’habite plus le même espace, ne communique plus de la même façon, ne perçoit plus le même monde extérieur, ne vit plus dans la même nature ; né sous péridurale et de naissance programmée, ne redoute plus la même mort, sous soins palliatifs. N’ayant plus la même tête que celle de ses parents, il ou elle connaît autrement. » Michel Serres (1930-…).
Le Mal propre.
La peinture intitulée "Galago" représente un petit animal de la super-famille des "Lorisoidea", appelé "Galago senegalensis" et en anglais "bushbaby" ; il se caractérise par un regard fixe, une griffe de toilette au lieu d'un ongle aux deuxièmes doigts, un peigne dentaire, une fourrure laineuse grisâtre ou brunâtre et une queue plus longue que le corps au bout touffu. Petit primate d’Afrique tropicale, omnivore, arboricole, nocturne, il se déplace en sautant d’arbres en arbres et ne descend que rarement sur terre. Quand il se sent menacé, le galago se place en position de boxeur, en crachant et en jacassant. Il est rapide et précis dans ses mouvements et peut arriver à faire des bonds de cinq mètres de hauteur. Apprivoisable sous le surnom de "Manneken-Pis de la savane arbustive", l’animal a un défaut de sociabilité inconvenant, il se pisse régulièrement sur les pattes pour marquer son territoire et imprègne ainsi son odeur partout où il passe, ce qui peut compromettre sa relation avec l’homme moderne qui lui marque son territoire d’une stérilisation hygiéniste totale.
Michel Serres (1930/…), peut-il nous aider à comprendre ? : « Urine, fumier, sang, sperme. Les fondements vécus du droit de propriété. Le tigre pisse aux limites de sa niche. Le lion et le chien aussi bien. Comme ces mammifères carnassiers, beaucoup d'animaux, nos cousins, marquent leur territoire de leur urine, dure, puante; et de leurs abois ou de leurs chansons douces, comme pinsons et rossignols. Marquer: ce verbe a pour origine la marque dupas, laissée sur la terre par le pied. Les putains d'Alexandrie, jadis, avaient coutume, dit-on, de ciseler, en négatif, leurs initiales sous la semelle de leurs sandales, pour que les lisant, imprimées sur le sable de la plage, le client éventuel reconnaisse la personne désirée en même temps que la direction de sa couche. Les présidents des grandes marques reproduites par les publicitaires sur les affiches des villes jouiront sans doute, ensemble, d'apprendre qu'ils descendent en droite ligne, comme de bons fils, de ces putains-là. Ou de ces bestioles-là, qui marquent de leurs déjections les frontières de leur aire. De même, certains végétaux diffusent alentour de petits jets invisibles d'acide... Rien ne pousse à l'ombre glacée des sapins. » (1).
Jean-Bernard Pouchous.
Bibliographie :
-1- Michel Serres, Le mal propre - Polluer pour s’approprier, éd. Le Pommier, coll. Manifestes, 2008.