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Monarchie


"La Reine", "Le Roi", 2007, acrylique sur toile, 2 x (16 x 22 cm.)

« (…). La force a fait les premiers esclaves, leur lâcheté les a perpétués. » Jean-Jacques Rousseau (1).

BOOM

Les deux petites peintures intitulées "La Reine" et "Le Roi", figurent chacune une tête de marionnette en latex peint, elles viennent d’Allemagne et datent des années soixante.

Il s’agit de la représentation naïve d’une Reine et d’un Roi coiffés de diadème et couronne. Tous deux ont un âge qui inspire le respect. Nos deux souverains sourient rayonnant de santé montrant bonne mine et bonne prestance. Ces personnalités dérisoires symbolisent bien le comportement paternaliste et maternaliste débonnaire et rassurant que tout un chacun attend d’eux. Pourtant il faut savoir, qu’à l’image d’un dieu, le "pater familias" était l’homme le plus vieux ou de plus haut rang dans une maisonnée romaine. Il avait le droit de vie et de mort sur les siens. Ce système a plus ou moins perduré avec le christianisme latin. Le Roi de droit divin, gouverne les "chefs de fratrie" de son état, et la Reine les "bonnes mères de famille". Le comportement royal dans sa propre famille, est le même que le comportement des aristocrates dans leur famille et ainsi de suite avec les bourgeois et les paysans. A l’égal des dieux, le Roi et la Reine donnent le ton aux autres familles du royaume.

La démocratie rompt ce pacte de pouvoir phallocratique pyramidal primordial, car le gouvernement élus par tous, s’adresse à tous les individus, hommes ou femmes et non plus aux familles. En France le droit de vote s’étend aux femmes en 1944 et l’âge électoral est abaissé à 18 ans en 1974. Ces changements ont instauré une démocratie participative (2), les meilleurs parmi les votants contrôlent les représentant du pouvoir élu au suffrage universel. La souveraineté du peuple dans le régime démocratique s’exprimant par le multipartisme exclue ainsi toute discrimination sexiste, exploitation des enfants mineurs et exclusion des personnes âgés. La structure familiale de la famille élargie sous tutelle du patriarcat coexiste aujourd’hui avec la "famille nucléaire", qui correspondant à un ménage regroupant au moins un des deux géniteurs, mariés, passé ou non ainsi que leurs enfants. L’état providence complète alors les capacités et incapacités réelles du cercle parental, allocations familiales, assurance maladie, retraite...

De nos jours, bien que nous ne soyons plus sous l’ancien régime, mais dans une société composée de "papis BOOM" et de "mamis BOOM" (né entre 1945 et 1965), ces derniers incarnent toujours le sommet de la hiérarchie humaine en s’occupant de leurs petits enfants comme des rois. A la recherche de justificatifs symboliques perdus, ils font appel à certaines survivances nostalgiques comme celle du droit du sang ou du droit divin. Ces croyances infantiles perdurent ainsi, bonne enfant, autorisant à n’importe quel quidam de s’identifier quel que soit son sexe, son âge, son état de santé, son milieu social, son niveau intellectuel, ses connaissances, a vivre ses phantasmes les plus archaïques. Ce troisième âge vit ainsi par procuration, par projection, toutes sortes de scénarii de puissance ou de soumission, selon leur personnalité ou ce qui en reste.

En gérontologie ou dans le domaine médical, on parle de dépendance des personnes âgées.

Certain émette l’hypothèse que les sources de cet engouement romantique tenace pourraient remonter à Charlemagne (742-814) (3). Charles 1er., roi des Francs, roi des Lombards, fut couronné empereur d’Occident par le Pape Léon III (750-816), en son temps. En effet, en Europe, il fit l’objet d’une dévotion organisée après sa mort par son successeur l’empereur du saint Empire Frédéric Ier de Hohenstaufen dit Frédéric Barberousse (1122-1190) (4). Ce dernier a ainsi, assis son propre pouvoir temporel en faisant de Charlemagne l’objet d’une véritable liturgie. Ce culte public et officiel institué pourrait s’être imposé dans notre inconscient collectif sous le titre générique de "Barbe fleurie" ou "Barbe rousse".

Aujourd’hui comme hier nos reines et nos rois des monarchies parlementaires européennes (5), sont pourtant bien fait de chair et d’os comme tout un chacun et force est de reconnaître qu’ils n’ont plus guère de pouvoir politique. Leur pouvoir symbolique d’influence exemplaire est devenu bien sage comme des images attendues, ils ne règnent plus que sur les magazines "people", dans lesquels quelques paparazzi essaient de faire ressortir quelques dissidences comportementales propres à déclencher une compassion bien consumériste.

Mais, savez-vous que Marion, Mariotte, ou Mariolle, signifiait "petite Marie chérie" au Moyen Age et que le mot marionnette vient d’un de ces nombreux diminutifs du prénom Marie, autre personnage occidental récurant. Par la suite ce vocable désigne toute figurine de bois, sacrée ou profane, mais s’étend également aux poupées utilisées dans les cultes préchrétiens (sorcellerie). Les marionnettes exercent un pouvoir de fascination depuis très longtemps, et dans les sociétés primitives, ces figurines étaient associées à un pouvoir magique.

Actuellement appelées "catharsis" ces représentations n’étaient dans ces temps reculés que la purgation des passions par le moyen du spectacle vivant, de la représentation dramatique (6).

En assistant à un spectacle théâtral, l’être humain (enfant ou adulte) se libère de ses pulsions, angoisses ou fantasmes en les vivant à travers le héros ou les situations représentées sous ses yeux. Le phénomène de "catharsis" devient évidemment plus distancié avec les spectacles de divertissement proposés par le cinéma et la télévision

Avec le spectacle de marionnettes l’identification aux héros et la libération des tensions dramatiques est beaucoup plus simples. Le visage des marionnettes étant souvent figé, c’est le mouvement d’ensemble et l’orientation du regard qui donnent vie à la marionnette.

Les marionnettes à gaine, type Guignol, est inventé à Lyon en 1808 par Laurent Mourguet (1769/1844) (7), un canut au chômage. Le manipulateur insère sa main dans le corps creux du personnage et la fait jouer en principe derrière un castelet dons la scène et les décors sont inspirés du théâtre à l’italienne.

Voilà pourquoi j’ai mis dans le placard d’entrée, face au compteur électrique, ce théâtre de marionnette, et quand je vais relever ma consommation d’énergie, je m’amuse de ce petit spectacle de comédie humaine de chez "intemporel" tout en lisant les lumières du grand siècle (8).

Jean-Bernard Pouchous - 2009.

Bibliographie :

-1- Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, Paris, éd. Gallimard, coll. Folio essais, op. cit. p. 175.

-2- Marc Crépon, Bernard Stiegler, De la démocratie participative, Fondements et limites, éd. Mille et une Nuits, coll. Essai, 2007.

-3- Georges Bordonove, Charlemagne : Empereur et roi, éd. Pygmalion, coll. Les rois qui ont fait la France, 2008.

-4- Pierre Racine, Frédéric Barberousse 1152-1190, éd. Librairie académique Perrin, 2009.

-5- Raymond Fusilier, Marcel Prélot, Les Monarchies parlementaires, étude sur les systèmes de gouvernement, Suède, Norvège, Danemark, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg. éd. ouvrières Flers, impr. Folloppe, 1960.

-6- Dominique Barrucand, La catharsis dans le théâtre : La psychanalyse et la psychothérapie de groupe, éd. Desclée de Brouwer, coll. Réalités psychologiques, 1986.

-7- Paul Fournel, Guignol : les Mourguet, éd. Seuil, coll. Livre Illustré, 1995.

-8- Alejo Carpentier, Le siècle des lumières, éd. Gallimard, coll. Folio, 1977.

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