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PROCREATION


"Femme enceinte", 1974, huile sur toile et matériaux divers, 220 x 180 cm.

« L'esprit c'est comme un parachute: s'il reste fermé, on s'écrase. » Frank Vincent Zappa 1940-1993


1975.

La peinture intitulée "Femme enceinte", représente comme son titre l’indique une grossesse dans un style "Art brut" très d’actualité dans le début des années 70. Le châssis et la toile sont utilisés comme support mais aussi comme argument expressif. Ainsi la toile pend-t-elle en bas du tableau comme le ferait la robe longue et ample d’une femme en ceinte et le haut du châssis, non tendu de toile, dont le bois est lui-même peint, sert à accrocher divers objets. Il s’agit de petites poupées, bout de chiffons trempés de couleur et de petites fioles en verre rempli de pigment. Les traits du visage du personnage sont tous ramenés sur un même plan à la façon de certain portrait de Picasso, exprimant ainsi une certaine innocence sexuelle interrogative.

Nous étions en pleine deuxième vague du féminisme, j’avais alors 25 ans, une sexualité exubérante largement partagée avec des partenaires au désir d’enfant devenu responsable. Nous venions de vivre certains événements politiques comme la légalisation de la contraception (1967), le Manifeste des 343 (1971), le procès de Bobigny (1972) puis le Manifeste des 331 (1973) et le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC) (1973), annonçant la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse, dite loi Veil, loi encadrant une dépénalisation de l'avortement. La maîtrise du corps est placée au centre des préoccupations amoureuses des couples d’alors. La dissociation de la sexualité et de la reproduction s’inscrivait dans le cadre plus large de la révolution sexuelle, traduisant une demande sociale pour plus de liberté dans le domaine de la sexualité. Les féministes en faisait leur propre lecture qui passe par la critique de la normativité de la psychanalyse ou de la sexologie qui auraient défini sexuellement les femmes : « en fonction de ce qui fait jouir les hommes », minorant par exemple le plaisir clitoridien. A mon grand désarroi, la sexualité était ainsi analysée comme un domaine où s’exerce particulièrement la domination masculine. Tout cette univers en effervescent provoquait, venu d’outre-atlantique, au delà du médium cinématographique et de son "star system", une certaine fétichisation qui commençait à affecter l'œuvre d'art en l'extrayant du lot des marchandises en circulation. La réponse apportée par certaines artistes consistera en une auto-fétichisation comme dans le "Body-art" puis ultérieurement par l’"Art-vidéo" et aujourd’hui la retouche photo-numérique (photoshop) et l’imagerie 3D. Cette auto-marchandisa­tion volontaire à travers la présentation de soi, la mise en image de l'artiste même, renforce aujourd’hui les processus et les effets du capitalisme tardif, l'artiste se produit comme fétiche photographique ou visuel (il se met en circulation en tant que fétiche sexuel, marchandise et fétiche ethnographique ou racial) (1). C’est la thèse de la critique américaine Amelia Jones qui note la confluence des fétiches : fétiche sexuel, fétiche marchandise et fétiche photographique, au sein de la performance du self, en s'appuyant sur l'article de l’historienne de l'art Abigail Solomon-Godeau "The Legs ofthe Countess" publié dans la revue October 39 en 1986. Les artistes citées par Amelia Jones, dévient, retournent, dédoublent les identifi­cations corporelles qui leur sont usuellement affectées (2).

Jean-Bernard Pouchous - 2009.

Bibliographie :

-1- Maurice Bloch, « Une nouvelle théorie de l'art » in Alfred Gell, L'Art et ses agents, une théorie anthropologique, Dijon, Les Presses du Réel, 2009.

-2- Amelia Jones, « The Contemporary Artist as Commodity Fetish », in An Bi­cornes You, Pastiche and the Politics of Art: Materiality in a Post Material Paradigm, Spécial issue, (éd. Henry Rogers and Aaron Williamson), Birmingham City University, 2005.


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