DOMINIQUE INGRES - Vicomtesse de Senonnes
"D'après Ingres, Vicomtesse de Senonnes", 2010, acrylique sur toile, 35 x 27 cm.
« Les peintres arrivés changent de note. Ils font des tableaux d'histoire que vous emporterez sous le bras. Leur clientèle le veut ainsi : les expropriations, les déménagements, l'avenir incertain, les appartements de moins en moins vastes, réclament la fabrication de chefs-d'œuvre concentrés, portatifs, et d'une grande valeur sous un petit volume (…)» Maxime Du Camp (1822-1894), Salon de 1868, Revue des Deux Mondes.
Montaubant.
La peinture intitulée "D'après Ingres, Vicomtesse de Senonnes", a été peinte d’après "Portrait de Marie Marcoz, Vicomtesse de Senonnes" (1814), huile sur toile (106 x 84 cm.), de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), exposé au Musée des Beaux-Arts de Nantes.
Marie-Geneviève-Marguerite Marcoz (1783-1828) est la fille d’un négociant, drapier et bourgeois lyonnais. Elle reçoit à Lyon, instruction et éducation et se marie en 1802 avec Jean Talensier. Le commerce des draperies appelle le jeune couple à Rome, où ils se séparent en 1809. Divorcée, elle s’était fait adopté par le milieu des artistes, c'est dans ces circonstances, que peintre amateur à Rome, le vicomte de Senonnes, écrivain et peintre, Alexandre de La Motte-Baracé (1781-1840) l’a rencontrée, devenue sa maîtresse en 1810 il l’épousa en 1815. Madame de Senonnes accompagnait le vicomte dans ses visites en Italie, et avait la réputation d'émerveiller partout par sa beauté. C'est à cette époque qu’Ingres, ami du couple, l’a peignit, cette origine italienne du tableau peut expliquer pourquoi il fut longtemps intitulé "La transtévérine". Marie meurt à 45 ans, laissant Alexandre seul. Pour lui, la descente aux enfers commence… « Le portrait de Marie, jamais je ne les laisserai l'emporter ! Il faut que je le mette en lieu sûr. Mais où ? »
Après la chute de la deuxième restauration, en 1831, le Vicomte poursuivi par ses créanciers, fait expédier le portrait par Ingres... chez ceux qui détestaient le plus Marie : son frère Pierre et sa famille, au château de Sautré, à Feneu dans les pays de la Loire. Un soir, une main inconnue, lacère le portrait de la "La transtévérine" en pleine face. Quand le Vicomte découvre le forfait anonyme, il fait restaurer la toile… « Et quelle sottise de lacérer un tableau signé de monsieur Ingres ! Savez-vous ce que valent ses tableaux aujourd'hui ? » Le deuxième fils du marquis Armand de Senonnes conserve le portrait et à sa mort il laisse la jouissance de ses biens à sa femme, née Adélaïde de Bruce. En 1853, la marquise le vend contre un guéridon et 120 francs au brocanteur Bonnin d'Angersen. Le "Portrait de Marie Marcoz, Vicomtesse de Senonnes" est découvert par hasard sur le trottoir, devant la boutique de l’antiquaire par l'artiste nantais Philibert Doré (1819-…), celui-ci écrit alors au conservateur du musée de Nantes, Henri Baudoux qui l’acquière pour 4.000 francs or. Celui qui fut le plus étonné, quand il apprit les détails de cette affaire, fut Monsieur Ingres. Il rentrait de Rome où il avait séjourné à nouveau, comme directeur de la Villa Médicis. "Marie la Trastévérine", enfin restaurée correctement, recevait tous les jours ouvrables au musée des Beaux-Arts de Nantes. En 1855, lors de la première Exposition universelle de Paris, deux peintres peuvent arborer une médaille d’or : Eugène Delacroix et Dominique Ingres. Cette même année l’artiste est fait grand officier de l’Ordre national de la Légion d'honneur. En 1862, il est appelé à faire partie du sénat impérial, il y vota jusqu'à sa mort conformément aux vœux du pouvoir. Ingres est enterré au Cimetière du Père-Lachaise. Armand Cambon (1819-1885), élève d'Ingres, fut son exécuteur testamentaire et le premier conservateur du Musée Ingres (1) qui ouvre ses portes à la moitié du XIXe siècle dans l'enceinte de l'ancien palais épiscopal de Montauban, Tarn et Garonne.
« Une chose bien dessinée est toujours assez bien peinte » Ingres.
Jean-Bernard Pouchous - 2010.
Bibliographie :
- Adrien Goetz, Florence Viguier, Ingres Collages : Dessins d'Ingres du musée de Montauban, éd. Le Passage, coll. Carte blanche, 2005.