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24-VANITE


"Vanité", 2005, acrylique sur toile, 80 x 40 cm.

« Le combat contre les musées a un aspect donquichottesque, non seulement parce que la protestation de la culture contre la barbarie reste sans écho : la protestation sans espoir est nécessaire. » Théodore Adorno (1903-1960) (1).


Pierrot lunaire.

La tête de mort représentée dans cette peinture intitulée "Vanité", fait partie de mon squelette personnel. Pas celui qui structure mon corps mais une réplique en plastique du squelette d’un homme de taille moyenne. Il me sert à faire des cours de dessin en morphologie humaine dans des écoles d’art privées. L’objet tenu entre les dents de cette tête de mort représente deux pugilistes turcs. Fait de fer blanc peint, il s’actionne en tirant et repoussant le manche de façon à ce que les deux adversaires s’envoient de bons coups de pieds et de poings. Sur le crâne est posé un "Pierrot lunaire" vénitien (2). Sa tête est en porcelaine émaillée. Il s’agit probablement d’un souvenir de voyage en Italie. Il est difficile de ne pas faire l’analogie avec le "Pierrot" (1718/19), autrefois dit "Gilles, de Jean Antoine Watteau ou Wateau (1684-1721) (3), exposé au Louvre.

La tête de mort repose sur un socle en pierre qui m’a été donné par les fossoyeurs du cimetière de Marvelise, un petit village du Doubs dans lequel j’ai vécu de 1989 à 1994. Le fond de l’œuvre est peint d’une patine en grisaille.

C’est une vanité. Une vanité est une catégorie particulière de nature morte, à haute valeur symbolique, un genre très pratiqué à l’époque baroque, particulièrement en Hollande (4). Leur titre et leur conception sont à mettre en rapport avec cette citation de l’Ecclésiaste : « vanitas vanitatis, vanité des vanités, tout est vanité » (5).

Le message est de méditer sur l’inutilité des plaisirs du monde face à la mort qui guette. C’est en même temps un élément essentiel à l’émergence de la nature morte en tant que genre. Si les objets au Moyen Âge peuvent figurer dans la peinture, c’est parce qu’ils ont un sens. Dans les vanités, les objets représentés sont tous symboliques de la fragilité et de la brièveté de la vie, du temps qui passe, de la mort. Parmi tous ces objets symboliques, le crâne humain, symbole de la mort, est l’un des plus courants. On retrouve ce "memento mori", souviens-toi que tu vas mourir, dans les symboles des activités humaines : savoir, science, richesse, plaisirs, beauté…

Les vanités dénoncent la relativité de la connaissance et la vanité du genre humain soumis à la fuite du temps, à la mort.

Carpe diem (quam minimum credula postero) « Cueille le jour présent et sois le moins confiant possible en l'avenir ». Quintus Horatius Flaccus (-65 à -8), dit Horace dans "Odes" (6).

Jean-Bernard Pouchous - 2008.

Bibliographie :

-1- Theodor Adorno, trad. Geneviève et Rainer Rochlitz, Critique de la culture et de la société, éd. Payot, coll. Critique de la Politique, 2003.

-2- Albert Giraud, Pierrot lunaire - Les dernières fêtes - Pierrot narcisse, éd. L’Harmattan, coll. Les introuvables, 2005.

-3- Julie-Anne Plax, Watteau and the Cultural Politics of Eighteenth-Century France, éd. Cambridge University Press, 2000.

-4- Elisabeth Quin, Isabelle d’Hauteville, Le livre des Vanités, éd. du Regard, 2008.

-5- Jacques Ellul, La Raison d’être : Médiation sur l’Ecclésiaste, éd. Points, coll. Sagesses, 2007.

-6- Horace, Odes, éd. Belles Lettres, coll. Classique Poche 10, 2002.

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