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DOMINIQUE INGRES - Monsieur Bertin


"D'après Ingres, Portrait de Mr. Bertin", 2010, acrylique sur toile, 35 x 27 cm.

« L'Etat n'entendant goutte aux choses d'art et ne com­mençant à s'apercevoir de la valeur d'un homme que lors­qu'on le coule en bonze, l’ Etat continuera à protéger ferme - à tort et à travers - et finira par avoir des peintres, des sculpteurs, des graveurs, des architectes, payés au mois, qui porteront un uniforme, signeront le matin une feuille de présence et qui— de 10 à 4 — badigeonne­ront du sublime suivant l'idéal et la formule académique. Ce genre de distrac­tion sera un peu onéreux pour le contribuable, mais il présentera l'avantage d'être absolument inoffensif, car personne ne s'inquiétera des productions officielles. » Frantz Jourdain (1847-1935), Les peintres-graveur chez Durand-Ruel, la Revue indépendante, janvier-février (1889).


Homme d’affaires.

La peinture intitulée "D'après Ingres, Portrait de Mr. Bertin", a été peinte d’après "Portrait de Louis-François Bertin" (1832), huile sur toile (116 x 95 cm.), de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), exposée au Musée du Louvre.

En 1806, Jean-Auguste-Dominique Ingres peint "Napoléon Ier sur le trône impérial" (1806), huile sur toile (263 x 163 cm.), conservé au musée de l’Armée à L’hôtel national des Invalides et devient mondialement célèbre. Le tableau représente l'empereur Napoléon en costume de sacre, assis sur son trône dont on voit le haut du dossier de forme circulaire et les accoudoirs ornés de boules d'ivoire qui représentent le globe. De la main droite il tient le sceptre de Charlemagne, et de la gauche, la main de justice. Il est coiffé d'une couronne de lauriers dorés. Par dessus sa tunique de satin brodée d'or, son manteau de velours pourpre parsemé d'abeilles d'or est doublé d'hermine. Sur l'épitoge aussi en hermine, il porte le grand collier de la Légion d'honneur. L’influence qu’exerça Ingres à son époque fut décisive et s’explique par le grand nombre d’élèves qui travaillèrent dans son atelier: deux cents au moins. Parmi eux, il faut citer Amaury-Duval (1806-1885), qui a laissé un livre de souvenirs, "L’Atelier d’Ingres" (1) ; Jules Ziegler (1804-1856), auteur de la coupole de l’église de la Madeleine, en 1838; Victor Mottez (1809-1897); Henri Lehmann (1814-1882); Pierre-Auguste Pichon (1805-1900); Théodore Chassériau (1819-1856), ingriste dans sa jeunesse, mais que devait enthousiasmer plus tard l’art de Eugène Delacroix (1798-1863). Paul Signac (1863-1935) a mis en lumière le rôle de Delacroix (le traditionnel adversaire d’Ingres) pour expliquer l’évolution de la peinture vers le néo-impressionnisme, mais on ne saurait oublier que Edgar Degas (1834-1917) Auguste Renoir (1841-1919), Pablo Picasso (1881-1973) et les artistes du pop’art des années 50, ont été marqués par les oeuvres d’Ingres. Le "Portrait de Louis-François Bertin" peint par Jean-Auguste-Dominique Ingres fut probablement incité par Édouard Bertin (1797-1871), élève du peintre depuis 1827 et fils de Louis-François Bertin (1766-1841), dit Bertin l'aîné, directeur du "Journal des débats" (1789/1944). Fils qui prit la suite de la direction du Journal de son père.

Vincent Pomarède, conservateur en chef du département des Peintures du Musée du Louvre, écrit: « son visage est animé par une infinité de nuances de sentiments : certitude de soi, léger étonnement, morgue contenue, indifférence polie, amusement ironique, résignation blasée devant le spectacle d'une réussite constante ».

Louis-François Bertin (1766-1841), propriétaire du journal des débats, est un grand patron de presse dont la car­rière politique commence après le coup d'État du 18 Brumaire de Bonaparte, lorsqu'il achète le titre pour en faire un périodique moderne et influent. Partisan d'une monarchie constitutionnelle, il s'oppose au régime autoritaire de Charles X (1757-1836), roi de France de 1824 à 1830. Après la révolution des "Trois Glorieuses" du 27, 28, 29 juillet 1830, le journal devient le principal soutien du régime de Louis-Philippe Ier (1773-1850), roi de France de 1830 à 1848. Mr. Bertin sert les intérêts et les idées de la grande bour­geoisie d'affaires. Émanation du monde neuf de la presse d'opinion né avec la Révolution, l’homme d’affaire incarne, par sa réussite et son engagement, le type social du bourgeois libéral. Ingres avait cherché à peindre la complexité d'une personnalité, « l'analyse psychologique et sa mise en scène plastique l'emportant nettement sur la percep­tion du monde social. » nous rappelle Vincent Pomarède conservateur au Musée du Louvre (2). Le portrait de M. Bertin acquiert cependant en une génération le statut d'icône de la bourgeoisie. Voici la lecture qu'en livre le critique Charles Blanc (1813-1882), un homme de la révolution de 1848 : « Avec quelle force cet individu, particularisé au dernier point, nous représente le type de la haute bourgeoisie à laquelle il appartient [...]. Cette individualité [...] est une image vive de toute la bourgeoisie du dernier règne, avec sa force intelligente, sa bonhomie orgueilleuse, le sans-gêne de ses allures et l'aplomb que lui donnait la fortune, et la fermeté qu'elle puisait dans ses privilèges, patiemment conquis, obstinément défendus.» Vision partagée par le peintre Edouard Manet (1832-1883): « Le père Bertin a été le type de la bourgeoisie de 1825 à 1850 (...). M. Ingres l’a choisi pour styliser une époque : il en a fait le bouddha de la bourgeoisie cossue, repue, triomphante. »

Jean-Bernard Pouchous - 2010.

Bibliographie :

-1-Amaury-Duval, L'atelier d'Ingres : édition critique de l'ouvrage publié en 1878, éd. Athena, 2000.

-2-Vincent Pomarède, Ingres : L’Album de l’exposition, éd. Gallimard, coll. Livre d’Art, 2006.

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