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23-BIBENDUM


"Bibendum", 2005, acrylique sur toile, 80 x 40 cm.

« J’ai l’habitude de me taire sur ce que l’ignore. » Sophocle (496/406) (1).

Pneu...

Le bonhomme Michelin peint sur cette toile intitulée "Bibendum", est originellement un objet en plastique blanc translucide qui s’accroche en générale sur le toit de la cabine du tracteur d’une semi-remorque. Cette décoration de poids lourd peut contenir un éclairage. Je l’ai acheté avec son support d’accrochage métallique chez un marchand d’accessoire pour Transporteur International Routier (TIR).

Pour fêter le centenaire de leur illustre mascotte, les pneumatiques Michelin (2) font apparaître en 1998, un nouveau logotype on l’appelle désormais avec le diminutif "Bib". Le bonhomme a perdu un peu des rondeurs qu’il avait acquis dès sa naissance des mains du célèbre dessinateurs O’Galop (1867/1946), sa silhouette est maintenant plus élancée. En 2.000, "Bibendum" est élu meilleur logo du siècle par un jury international (3). J’ai suspendu au cou de Bibendum un modèle articulé en bois servant aux dessinateurs depuis la renaissance à retrouver les canons des proportions humaines classiques.

Les designers d’objets de marchandising pour les grandes marques industrielles inventent d’autres proportions, souvent caricaturales et naïves pour faciliter la relation symbolique de l’objet à la clientèle contemporaine. On parle de reliques profanes vénérées par les fanatiques de l’automobile, du pneu et du pétrole, à laquelle ils vouent un véritable culte. A l’arrière plan de cette peinture, j’ai planté, derrière cette petite mise en scène autour de "Bib", un décor constitué du cimier d’une coiffe africaine Sénoufos en bois et fibres posées à l’envers parmi les plantes de notre petit jardin parisien (4).

Résumons : Cette composition renferme l’évocation de trois modes de représentation des reliques : le mode classique du paganisme gréco-latin méditerranéen et européen accroché au cou du monde moderne et industriel occidental judéo-chrétienne cachant derrière sa corpulence ses origines primitives originelles et traditionnelles on dit aujourd’hui "premières", dans un décor végétal de nature cultivée. Véritable révélation, l’histoire d’un pneumatique me coupe le souffle à en perdre l’esprit. Sur ce, rebondissons!

L’étude du Saint-Esprit est appelée la pneumatologie (5). Non, ce n’est pas vrai, c’était pour faire un peu d’esprit, pfff... Je me dégonfle, c’était juste pour faire un peu d’air avant de crever !

En philosophie, la pneumatologie est une branche de la métaphysique qui se propose d’étudier l’esprit et les choses spirituelles; ce que l’on appelle aujourd’hui la philosophie de l’esprit. Pneumatologie peut être aussi un terme ancien pour parler de psychologie. En théologie chrétienne, la pneumatologie est l’étude du "Saint-Esprit". L’ "Esprit saint", est l’ "Esprit de Dieu", et la troisième personne de la "Sainte Trinité" dans la "Révélation chrétienne". Il est aussi appelé l’ "Amour du Père et du fils". Il est, pour les chrétiens, à l’image d’une pompe, force agissante qui pousse à l’action les prophètes. Depuis le premier concile de Nicée (325) convoqué par l’empereur Constantin 1er. (272-337) (6), il est reconnu comme la troisième personne de la "Trinité", distinct du Père et du Fils (Jésus Christ), mais consubstantiel à eux, c’est-à-dire partageant la même essence. L’ "Esprit saint" participe à la transmission de la révélation divine dans la tradition apostolique. « Jésus donc leur dit encore: Paix vous soit ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Et ayant dit cela, il souffla en eux, et leur dit: Recevez l’Esprit saint. » (Jean) Le Symbole de Nicée-Constantinople, credo des confessions orthodoxe, catholique, et protestante, professe : « Nous croyons dans l’Esprit saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père. Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire. »

Il procède du Père, non par voie de génération comme le Fils, mais par voie dite de "spiration". Expiration inspirée, elle est la foi de l’église orthodoxe. Une modification y est apportée par Charlemagne (742-814) (7), qui ajoute que le "saint Esprit" procède du "Père et du Fils" : « Je crois en l’Esprit saint, qui est Seigneur et qui donne la vie; il procède du Père et du Fils. Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire ; il a parlé par les prophètes.»

« Il procède du Père et du Fils », en latin "Filioque" (ex Patre Filioque procedit). Le "Filioque" était déjà adopté dans l’église d’Espagne quand l’empereur d’occident Carolus Magnus (nom latin de Charlemagne) décide de l’ajouter aux professions de foi des chrétiens appelés "Credo", contre l’avis du pape. Les papes résistèrent longtemps à l’église carolingienne, jusqu’à Nicolas 1er. (858-867) (8), premier pape à adopter le "Credo de l’empereur Charlemagne".

L’expression théologique de la nature de l’ "Esprit saint" a été l’une des causes du "Grand Schisme d’Orient" en 1054 à la suite de la "querelle du Filioque". L’église latine a ajouté à la phrase « il procède du Père, du symbole de Nicée-Constantinople », le mot filioque et du fils. C’est la foi de l’église catholique.

Pour les Orientaux, un "Saint-Esprit" ne découlant que de Dieu permet à celui-ci de sauver toute âme, même non-chrétienne, sans que les chrétiens aient à agir autrement que par la prière. Pour les Occidentaux en revanche, le "Saint-Esprit" découlant aussi du Christ, c’est un devoir impératif de convertir activement les non-catholiques. Sur un plan symboliquement géométrique, les Orthodoxes voient dans le Dieu unique "Tri-Unitaire" un triangle théologique équilatéral quand les "Catholiques apostoliques et romains" y voient un triangle théologique isocèle. Antérieurement, l’imaginaire romain antique avait, par de l’air en mouvement, une brise légère, pouvait, particulièrement dans le domaine des arts plastiques, gonfler une draperie au-dessus de la tête de certaines divinités ou de héros/héroïnes très méritants (aura velificans). Ce motif indiquait toujours la valeur et le mérite personnel, qui était lié à la lumière dès l’époque d’Auguste appelé Caius Octavius Thurinus à sa naissance puis Imperator Caesar Divi Filius Augustus à sa mort, d'abord appelé Octave puis Octavien (-63 à 14) (9), pour des raisons philosophico-religieuses. Mais dans l’Antiquité, jamais personne ne dit voir cet air impalpable. Quand le corps est représenté nimbé ou auréolé, on est alors très proche de l’utilisation de la mandorle (amande ou vulve), l’auréole est l’expression de la lumière solaire et par extension de la lumière spirituelle et de son rayonnement. L’auréole est centrée sur la tête du personnage représenté. L’auréole ou le nimbe exprime de caractère sacré ou l’aura de la personne représentée. Voilà des personnages qui ont l’air bien lumineux mais qui n’ont rien à voir avec les philosophes des Lumières qui nous éclairent encore aujourd’hui sur l’obscurantisme. Un obscurantiste est une personne qui prône et défend une attitude de négation du savoir, refuser de reconnaître pour vraies des choses qui devraient l’être, ou pratique la rétention d’information pour restreindre la diffusion d’une connaissance. Il ne nie pas la véracité d’une chose, il considère simplement qu’elle ne peut être diffusée pour des raisons de toutes sortes : intérêt personnel, craintes sociales, peur de l’autorité, fanatisme, chantage, superstition, sectarisme, etc.).

Jean-Bernard Pouchous - 2008.

Bibliographie :

.-1- Sophocle, A. Dain, P. Mazon, Tragédies - tome 3. Philoctète - Oedipe à Colone, éd. Belles Lettres, 2002.

.-2- Michelin, Les pneumatiques Michelin, éd. Manufacture française des pneumatiques Michelin, 2004.

.-3- Olivier Darmon, Le grand siècle de Bibendum, éd. Hoëbeke, 1997.

.-4- Nadine Martinez-Constantin, Formes et sens de l’art africain : Les surfaces planes dans les oeuvres d’art des Dogon, Bamana et Sénoufo du Mali, de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso, éd. L’Harmattan, coll. Les arts d’ailleurs, 2003.

.-5- Jürgen Moltmann, L’esprit qui donne la vie: une pneumatologie intégrale, éd. Le Cerf, coll. Cogito Fidei, 1999.

.-6- Giuseppe Alberigo, Les conciles œcuméniques - Les décrets de Nicée à Latran V - tome 2, éd. Le Cerf, 1991.

.-7- Jean Gall, Charlemagne, éd. PUF, coll. Figures et plumes, 2008.

.-8- Mircea Centini, traduction Norma Leuzzi, L’histoire des papes, éd. De Vecchi, 2004.

23-A.-9- Jean-Pierre Néraudau, Auguste - La Brique et le marbre, éd. Belles Lettres, 1996.

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