SAPIENS
"Etude Naturisme", 1979, feutre sur papier, 130 x 89 cm.
« Imitation … is often thought of as a low-level, relatively childish or even mindless phenomenon. This may be a serious mistake. It is beginning to look, in light of recent work in the cognitive sciences, as if imitation is a rare, perhaps even uniquely human ability, which may be fundamental to what is distinctive about human learning, intelligence, rationality, and culture. » Hurley & Chater (1).
Corps.
Il faut savoir tourner la page ! En fait, on expose tout le temps des travaux qui ont déjà quelques années notamment au niveau de la conception, mais cela reste toujours nouveau pour le public. Quand on décroche une critique, un papier quelconque on est déjà passé depuis longtemps à autre chose. Alors passons…
J’ai dessiné beaucoup de corps humains, l’homme m’intéresse, comme ce dessin au feutre d’un corps, intitulé "Etude Naturisme" (2). Il représente une femme qui subit joyeusement les assauts d’un jet d’eau. Pour la petite histoire ce dessin a été réalisé avec des feutres d’épicerie qui m’avait été donné par un marchand de primeur sur le marché de mon quartier. Il s’agit d’une boite en plastique, rempli d’encre noire, fermé d’un couvercle percé de 4 orifices, dans lesquels sont enfoncés 4 feutres de différentes tailles tenues par des manches en plastique de différentes grosseurs; ceux-ci se rechargent ainsi continuellement, prêt à l’emploi. Les commerçants forains ou en boutiques utilisent cet instrument pour marquer leurs affichettes de "promo" sur papier, en général de couleur jaune fluo, qu’ils montent sur des portants spécifiques, ou scotchés en rebord d’étalage, ou encore suspendent au-dessus des rayons: abricots 5 €./kg, cerises 4 €./kg, tomates 3 €./kg, haricots verts 2 €./kg, pomme de terre 1 €./kg, etc...
"Homo sapiens", signifie Homme pensant en latin (3), c’est le nom binomial désignant l’espèce humaine, il est l’appellation scientifique de ce qu’on nomme communément homme, humain ou être humain. Sur l’arbre du vivant, il appartient à l’ordre des primates et est le seul représentant actuel du genre "Homo", les autres espèces dans ce genre, une quinzaine en l’état actuel des connaissances, étant éteintes. Neandertal, éteints (4), Cro-magnon, éteints (5), Habilis, éteints (6), etc...
Traditionnellement, on caractérise les membres du genre "Homo" par la locomotion bipède et l’aptitude à fabriquer des outils : la bipédie libère les membres supérieurs ce qui permet d’agir sur son environnement. Les mains, munies de pouces opposables et alliées à son cerveau, très complexe et capable d’abstraction, permettent de fabriquer des outils très précis et élaborés. En ce qui concerne "Homo sapiens" seul, c’est une espèce remarquable par sa culture technique et artistique mais aussi par l’ampleur des transformations qu’elle a occasionnées sur son milieu et dans l’aménagement de son territoire. Depuis son apparition sur la planète Terre paysage de la planète a été complètement modifiée par sa présence et par son action. Une question doit toutefois demeurer, ce qui peut expliquer la différence hiérarchique dans la répression entre les crimes contre l’espèce humaine et les crimes contre l’humanité : si la dimension métaphysique de l’homme est celle qui impose à l’homme de se respecter, et si la dimension métaphysique est le niveau de réflexion qui a permis à l’homme, à la différence des autres espèces animales, d’évoluer, l’homme a-t-il vocation à ne pas exploiter pour lui les connaissances qui accompagnent et engendrent son évolution ? A-t-il vocation à rester une espèce à reproduction exclusivement sexuée ? L’homme résistera-t-il à la tentation d’organiser ce qu’il considérerait être l’amélioration de son espèce? La protection actuelle de l’espèce humaine est-elle dictée par des principes immuables propres à la définition de l’homme ou est-elle dictée par des principes contingents de précaution à l’ignorance actuelle des conséquences de la modification volontaire et brutale de la définition biologique de l’homme ? Autrement dit : l’homme doit-il conditionner le respect qu’il doit avoir pour lui-même et la marche de son évolution à l’absence d’atteinte réalisée volontairement par lui-même à la pérennité de sa définition biologique actuelle qu’est "Homo sapiens" ? (7).
Le dérèglement des sens, Arthur Rimbaud dans "Lettre à Paul Demeny" (8), 15 mai 1871, nous le décrit : « (...) Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême Savant! - Car il arrive à l’inconnu! Puisqu’il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu’aucun! Il arrive à l’inconnu, et, quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues! (...)»
« La BD Dick Tracy témoigne d’une lente adaptation à la peinture d’avant-garde. Et au fond, il suffit de suivre Mickey et Minnie, des années trente à cinquante, pour voir combien le dessin d’adapte au développement de la sensibilité esthétique dominante. Mais quand, d’une part, le “Pop Art“ détourne de manière provocatrice des images du monde commercial, industriel et médiatique, et que d’autre part, les Beatles revisitent avec une grande sagesse des formes musicales traditionnelles, l’espace entre art de provocation et art de consommation s’amenuise. Non seulement. S’il semble exister encore deux niveaux entre art “cultivé“ et art “populaire“, l’art cultivé, dans ce climat défini comme postmoderne, offre à la fois de nouvelles expérimentations dépassant le figuratif et des retours au figuratif, des revisitations de la tradition. De leur côté, les mass media ne présentent plus aucun modèle unifié, aucun idéal unique de Beauté. On peut retrouver, dans une publicité destinée à ne durer qu’une semaine, les expériences de l’avant-garde, et en même temps, avoir les modèles des années vingt, trente, quarante ou cinquante, jusque dans la redécouverte de formes désuètes des automobiles du milieu du siècle. Les mass media reproposent une iconographie du XIX e., le réalisme féerique, l’opulence junonienne de Mae West et la grâce anorexique des derniers top models, la Beauté noire de Naomi Campbell et la Beauté nordique de Claudia Schiffer, la grâce des claquettes traditionnelles de A Chorus Line et les architectures futuristes et glaçantes de Blade Runner, la bimbo de tant d’émissions de télévision ou de tant de pubs, et la fille fraîche à la Julia Roberts ou Cameron Diaz, Rambo et Platinette, la Drag Queen icône de la RAI, George Clooney aux cheveux courts et les “néo-cyborg“ qui métallisent leur visage et transforment leur tignasse en une forêt d’épines colorées, ou se rasent la boule à zéro. Notre explorateur du futur ne pourra plus identifier l’idéal esthétique divulgué par les mass media du XX e. siècle, et au-delà. Il devra renoncer, face à l’orgie de tolérance, au syncrétisme total, à l’irrépressible polythéisme absolu de la Beauté.» Umberto Ecco dans "Histoire de la beauté, histoire de la laideur" (9).
Jean-Bernard Pouchous - 2009.
Bibliographie :
-1-Susan Hurley, Nick Chater Perspectives on Imitation: From Neuroscience to Social Science - Volume 1: Mechanisms of Imitation and Imitation in Animals (Social Neuroscience Series), éd. The MIT Press, 2005.
-2- Marc-Alain Descamps, Vivre nu, psychologie du naturisme, éd. Trismegiste, 1991.
-3- André Chéret, Loïc Malnati, Jacques Malaterre, Michel Fessler Le sacre de l’homme, Homo sapiens invente les civilisations, éd. Bamboo, coll. Angle de vue, 2007.
-4- John Darnton, Pierre Ménard, Le mystère Neandertal, éd. Michel Lafont, 2009.
-5- Marcel Otte, Cro Magnon, éd. Librairie Académique Perrin, 2008.
-6- Fiorenzo Facchini, La vie quotidienne il y a 2 millons d'années. Homo habilis, éd. Grandir, coll. Nos ancêtres, 2002.
-7- Pascal Picq, Nouvelle histoire de l’homme, éd. Librairie Académique Perrin, coll. Tempus, 2007.
-8- Arthur Rimbaud, Le Bateau ivre : Précédé de la Lettre à Paul Demeny, éd. Société normande des amis du livre, 1967.
9- Umberto Ecco, trad. Myriem Bouzaher, Histoire de la beauté, histoire de la laideur, éd. Flammarion, 2007.