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XVIIIe siècle : l’âge d’or

Au XVIII e. siècle, le portrait connaît un âge d’or. Si les grands continuent à commander leur portrait, l’intimité, la sensibilité gagnent leurs lettres de noblesse. Les représentations de la famille et de l’enfance se multiplient. La représentation des gens de théâtre devient aussi un thème de prédilection. Une approche plus psychologique des individus voit également le jour. Aux côtés de la peinture, la mode du portrait au pastel connaît un essor sans précédent, sous l’influence de Quentin de La Tour. Celui-ci ne traite souvent que la tête du modèle qui, quelle que soit sa condition sociale, est toujours représentée de façon expressive et fouillée.

"D’après F. Boucher", 1991, acrylique sur toile, 35 x 27 cm.

« Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches

Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous.

Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches

Et qu’à vos yeux si beaux l’humble présent soit doux.

J’arrive tout couvert encore de rosée

Que le vent du matin vient glacer à mon front.

Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée

Rêve des chers instants qui la délasseront.

Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête

Toute sonore encor de vos derniers baisers ;

Laissez-la s’apaiser de la bonne tempête,

Et que je dorme un peu puisque vous reposez. » Paul Verlaine dans “Green”, Romances sans paroles (1).


Les Maîtres.

La peinture intitulée "D’après F. Boucher", a été peinte d’après une image sans légende reproduisant une partie d’un tableau de François Boucher (1703-1770) dont je ne connais pas l’original.

Ce visage semble illustrer à perfection le fait de tomber en pamoison.

François Boucher (1703-1770), le plus charmant des peintres, fait son apprentissage de la peinture à l'huile auprès de François Lemoyne (1688-1737). Il remporte le grand prix de peinture en 1723, et séjourne en Italie de 1727 à 1731. En 1734, il est reçu à l'Académie de peinture et de sculpture. A son retour d'Italie il obtint la faveur de Jeanne-Antoinette Lenormant d’Étiolles née Poisson, Madame de Pompadour (1721-1764) (2). Il fait, le portrait de la favorite du roi Louis XV (1710-1774) (3) "Portrait de Madame de Pompadour" (1756), huile sur toile (212 x 164 cm.) conservé à la Alte Pinakothek de Munich. En 1765, il succède à Charles André van Loo (1705-1765) (4) comme Premier peintre de Louis XV (4). Il travaille avec une extrême facilité et se vante d'avoir gagné jusqu'à 50 000 francs par an. Boucher ne cherche pas à reproduire la réalité (5). C'est un peintre précieux et sensuel, utilisant des coloris brillants, des lignes serpentines et une profusion d'accessoires pittoresques. Il est surnommé de son vivant « Le peintre des Grâces » à cause de sa prédilection pour les nus féminins comme dans "Diane sortant du bain" (1742), huile sur toile (57 x 73 cm.) du Musée du Louvre (6) et ce portrait de "Louise O'Murphy" (1752), huile sur toile (59 x 73 cm.) conservé à l’Alte Pinakotheck de Munich. Ce tableau représente l’enfant-maîtresse de Louis XV (7), dit le Bien-Aimé et qui fût courtisée par l’irrésistible Giacomo Girolamo Casanova (1725-1798) (8) qui a dit d’elle en la reconnaissant sur un tableau : « L’habile artiste avait dessiné ses jambes et ses cuisses de façon que l’œil ne pouvait pas désirer de voir davantage. J’y ai fait écrire dessous: O-Morphi, mot qui n’est pas homérique, mais qui n’est pas moins grec. Il signifie Belle.»

Contemporain du grand portraitiste Quentin de La Tour (1704-1788) (9), avec qui il partageait le même talent pour le pastel, François Boucher, fut le peintre français par excellence. L’artiste a notamment peint des scènes pastorales ou mythologiques d’une gracieuse virtuosité. Il peignait avec délectation des œuvres sensuelles, décrivant un monde idyllique, provoquant le voyeurisme de ses spectateurs. Ses scènes galantes sont inimaginables aujourd’hui. En France, François Boucher nageait littéralement dans le "rococo" comme le poisson dans l’eau. Cet art du plaisir, ostentatoire aux profusions d’ornementations aux inspirations exotiques et aspirations champêtres et érotiques, apparaît sous la régence et culmine sous le règne de Louis XV, vers 1745. Le style "rococo" (10) supplante le classicisme, qui a marqué le règne de Louis XIV. Le mot "rococo" ne s’employait pas à cette époque, son emploi est postérieur. Il daterait de 1797, inventé en dérision par le mouvement des "barbus" et chantres du classicisme, tous élèves de Jacques-Louis David. Il viendrait de l’association du mot "rocaille" et du mot italien "baroco" (baroque). D’abord très péjoratif, ce nom fut gardé par les historiens de l’art pour nommer un mouvement artistique européen touchant principalement l’architecture et les arts décoratifs. Dans le Saint-Empire Romain Germanique il est représenté par l’architecte et décorateur François de Cuvilliés (1695-1768), en Italie notamment par les peintres Giovanni Antonio Canal (1697-1768) et Giambattista Tiepolo (1696-1770). En France il est représenté par l’architecte et décorateur Nicolas Pineau, (1684-1754) et les peintres Jean Antoine Watteau (1684-1721) (11), Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) (12) et François Boucher.

Jean-Bernard Pouchous - 2009.

Bibliographie :

-1-Paul Verlaine, Romances sans paroles, éd. Belin, coll. Classicollège, 2008.

-2- Michel de Decker, La marquise des plaisirs, Madame de Pompadour, éd. Pygmalion, col. Grande dame, 2006.

-3- Michel Antoine, Louis XV, éd. Hachette Littératures, coll. Pluriel, 2006.

-4- Dandré Bardon, Carle Van Loo, éd. Minkoff, Genève, 1973.

-5- de Pierre Rosenberg et Philippe De Montebello, François Boucher, éd. RMN, 1986.

-6-François Boucher : Hier et Aujourd'hui, éd. RMN, 2003.

-7- Camille Pascal, Le goût du roi : Louis XV et Marie-Louise O'Murphy, éd. Librairie Académique Perrin, 2006.

-8- Casanova, Histoire de ma vie, Morceaux choisis par Jean-Michel Gardair, éd. Gallimard, coll. Folio, 1986.

-9- Xavier Salmon, Maurice Quentin de La Tour, Le voleur d’âmes, éd. Art Lys, 2004.

-10- Baur Eva Gesine, Rococo, éd. Taschen, 2007.

-11- Chaponniere Pernette, Fetes Galantes Histoire de la Vie d’Antoine Watteau, éd. Flammarion, 2008.

-12- Jean Villain, Fragonnard 1732-1806, éd. Braun et Cie., 1953.

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