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CATHERINE


"Catherine", 1996, acrylique sur toile, 81x 60 cm.

« L’éducation a des racines amères, mais ses fruits sont doux. » Aristote (1).


Interview.

Voilà représentée dans la peinture intitulée "Catherine", mon épouse Catherine Derosier Pouchous, flashée, yeux rouges en 1995.

J’ai rencontré Catherine lors d’une interview pour un article qu’elle rédigeait pour la revue "Cinéma" à propos de l’actualité d’un de mes tournages.

Nous nous sommes revus plus tard dans un festival, puis à une projection, puis...

Cette peinture a longtemps été accrochée dans notre maison de Marvelise puis à Paris dans l’entrée de nos divers appartements.

J’aime beaucoup peindre Catherine, comme en ce moment tout en écoutant "Radio Pythie" qui reprend tel un leitmotiv son programme d’interprétation d’un nouvel oracle:

« Une foi Cupidon fut chargée par Vénus, jalouse de la beauté de Psyché, de rendre amoureuse la jeune fille du mortel le plus méprisable. Mais il tomba lui-même amoureux de Psyché. Il la rejoignit la nuit, lui demandant de ne jamais chercher à connaître son identité. Piquée par la curiosité, Psyché profita du sommeil de son amant pour allumer une lampe mais celui-ci se réveilla et s’enfuya. Elle ne parviendra à le retrouver qu’au prix de toutes sortes d’épreuves. »

Comment interpréter cet oracle radiophonique? En général on interprète un oracle comme étant la réponse d’une divinité à une personne venue la consulter. Dans notre cas nous n’avons pas eut connaissance de la question ni la personne qui l’a posé puisque nous avons pris l’émission en route. En fin on peut quand même supposer que cette réponse sibylline de l’animateur radio est inspiré et enthousiaste comme s’il avait la voix du dieu en lui. Il faut savoir que le pouvoir de divination est, dans les premiers temps de la mantique, lié fortement avec la terre et les forces chtoniennes, d’où les oracles rendus par incubation, c’est-à-dire transmis aux mortels par les songes, après une nuit passée à même le sol. Beaucoup d’historiens anciens ont raconté qu’il sortait d’étranges effluves d’un gouffre situé dans les fondements des lieux sacrés, sous le trépied de la Pythie. Ces fumerolles sortaient d’une faille sismique béante entre les rangées de colonnes du temple et devaient probablement la griser comme le rappelle encore les forts encens utilisés dans presque tous les lieux de cultes à travers le monde aujourd’hui pour faire passer les messages de l’autre monde.

Que nous dit donc Zeus Dodonéen sur les ondes?

Le mot psyché en grec ancien signifie l’âme, l’esprit, il personnifie l’expression de ce qui ne peut être formulé, on en fait ainsi parfois une image de l’inconscient. L’interrogation devait concerner une quête amoureuse. Ranimée par le baiser d’Éros, toujours épris d’elle, Psyché triomphe finalement du courroux de la Vénus, et épouse le dieu magnifique. Ainsi, elle devient elle-même déesse et il lui pousse des ailes de papillon. Psyché donne à Éros une fille, Volupté. Fille de Cupidon pour les romains elle s’appelait alors Volupie et possédait un petit temple à Rome où elle côtoyait la déesse du Silence. Volupie était représentée en jeune personne au teint pâle assise sur un trône et tenant la Vertu sous ses pieds. Quand on sait que le mot vertu a une même origine étymologique latine dérivé du mot "vir", que les mots "viril" et "virilité", on se pose des questions à propos comment elle pouvait bien prendre son pied? "vir" sert à nommer l’individu humain de sexe masculin, "virtus" désigne la force virile et, par extension, la valeur, la discipline opposée au courage, synonyme d’impulsivité, "défaut" considéré comme essentiellement barbare. Psyché tient sous son pied cet "vir" pour qu’elle soit "virtus", virilité disciplinée.

« La vertu est la clef de voûte de l’empire (romain), faisant de chaque seconde de la vie du citoyen, une préparation minutieuse aux dures réalités de la guerre, et de chaque bataille rien d’autre qu’un sanglant entraînement » Caius Marius (-157 à - 86) (2).

« (...) l’habitus est le produit du travail d’inculcation et d’appropriation nécessaire pour que ces produits de l’histoire collective que sont les structures objectives (langue, économie, etc.) parviennent à se reproduire, sous la forme de dispositions durables, dans tous les organismes (que l’on peut, si l’on veut, appeler individus) durablement soumis aux mêmes conditionnements, donc placés dans les mêmes conditions matérielles d’existences. » Pierre Bourdieu (3).

Volupté s’offrait ainsi aux regard des hommes trônant à côté de Silence et tenant sous ses pieds "la Vertu" comme elle le ferait d’un "habitus" de la volonté, acquis par répétition des actes, et qui habilite l’homme à agir bien.

Quand dans le silence l’homme veut conquérir Volupté, de la discipline et une correction parfaite sont requises pour conserver son sang froid et la tête sur les épaules face au fruit de l’inconscient et de l’érotisme. Une certaine manière d’être, une allure générale, une tenue, une disposition d’esprit est demandée par Volupté.

Dans son "Ethique" (4), le philosophe Aristote identifie la vertu morale à une "hexis". Un type de connaissance qui n’est pas une habitude proprement dite, car si les habitudes peuvent être puissantes, elles ne s’inscrivent pas profondément dans les êtres. C’est la connaissance authentique qui est à même d’engager l’âme d’un être dans son entier.

Donc pas touche à Éros et Psyché.

Platon disait que « la vertu est la science du bien ; le vice en est l’ignorance. »

Il précisera dans "La République" (5) : « La philosophie a pour but d’opérer la conversion de l’âme, c’est là son rôle principal » (livre VII).

Les Grecs n’ignoraient pas que pour changer le monde, il convient au préalable de se changer soi-même, or se changer soi-même relevait préalablement pour Platon du domaine de la pratique de la vertu comprise comme science appliquée du bien.

Jean-Bernard Pouchous - 2008.

Bibliographie :

-1- Aristote, Ethique à Nicomaque : Livres VIII et IV, éd. Hatier, coll. Classique & Cie, 2007.

-2- David Jean-Michel, Nouvelle histoire de l'antiquité - tome 7 : La République romaine, éd. Seuil, coll. Point, 2000.

-3- Pierre Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la pratique, éd. Seuil, coll., Points Essais, 2000.

-4-Aristote, Richard Bodéüs, Ethique à Nicomaque, éd. Flammarion, coll. Garnier Philosophie, 2004.

-5- Platon, Emile Chambry, La République - livre I à X, éd. Gallimard, coll. Tel, 1992.

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