JEAN SIMEON CHARDIN (1699-1779) - Autoportrait
"D’après Chardin - Autoportrait", 2010, acrylique sur toile, 35 x 27 cm.
« On peut en savoir plus sur quelqu’un en une heure de jeu qu’en une année de conversation. » Platon.
Tendre et discret.
La peinture intitulée "D’après Chardin - Autoportrait", a été peint d’après "Autoportrait à l’abat-jour vert" ou "L’Homme à la visière" (1775), un pastel sur papier (46 x 38 cm.), de Jean Siméon Chardin (1699/1779), conservé au Département des Arts Graphiques du Musée du Louvre.
J’ai souvent peint le visage de Jean Siméon Chardin d’après son "Autoportrait à l’abat-jour vert" ou "L’Homme à la visière", 1775 (pastel, 46 × 38 cm), du Musée du Louvre. J’aime son rendu pastel. Chardin est surtout connu pour ses natures mortes comme "La raie" (et le chat). Mais je préfère ses autoportraits comme l’ "Autoportrait aux besicles", ou "Portrait de Madame Chardin" et son humour avec "Le Singe peintre (1), Tous au Musée du Louvre. C’est fou ce que ce peintre discret a pu susciter de commentaires passionnés, notamment de Marcel Proust (1871/1922) (2) : « Nous avions appris de Chardin qu'une poire est aussi vivante qu'une femme, qu'une poterie vulgaire est aussi belle qu'une pierre précieuse. Le peintre avait proclamé la divine égalité de toutes choses devant l'esprit qui les considère, devant la lumière qui les embellit. II nous avait fait sortir d'un faux idéal pour pénétrer largement dans la réalité, pour y retrouver partout la beauté, non plus prisonnière affaiblie d'une convention ou d'un faux goût, mais libre, forte, universelle : en nous ouvrant le monde réel, c'est sur la mer de beauté qu'il nous entraîne. »
L’écrivain d’ "À la recherche du temps perdu" décrit longuement l’ "Autoportrait aux bésicles" : « Allez voir, dans la galerie des Pastels, les portraits que Chardin fit de lui-même, à soixante-dix ans. Au-dessus de l'énorme lorgnon, descendu jusqu'au bout du nez qu'il pince de ses deux disques de verre tout neufs, tout en haut des yeux éteints, les prunelles usées sont remontées, avec l'air d'avoir beaucoup vu, beaucoup raillé, beaucoup aimé, et de dire avec un ton fanfaron et attendri : "Hé bien oui, je suis vieux ! " Sous la douceur éteinte dont l'âge les a saupoudrées, elles ont de la flamme encore. Mais les paupières fatiguées comme un fermoir qui a trop servi sont rouges au bord. Comme le vieil habit qui enveloppe son corps, sa peau elle aussi a durci et passé. Comme l'étoffe elle a gardé, presque avivé ses tons roses et par endroits s'est enduite d'une sorte de nacre dorée. Et l'usure de l'une rappelle à tous moments les tons de l'usure de l'autre, étant comme les tons de toutes les choses finissantes, depuis les tisons qui meurent, les feuilles qui pourrissent, les soleils qui se couchent, les habits qui s'usent et les hommes qui passent, infiniment délicats, riches et doux. On s'étonne en regardant comme le pli de la bouche est exactement commandé par l'ouverture de l'oeil à laquelle obéit aussi le froncement du nez. Le moindre pli de la peau, le moindre relief d'une veine est la traduction très fidèle et très curieuse de trois originaux correspondants : le caractère, la vie, l'émotion présente. Désormais, dans la rue ou dans votre maison, j'espère que vous vous pencherez avec un intérêt respectueux sur ces caractères usés qui, si vous savez les déchiffrer, vous diront infiniment plus de choses, plus saisissantes et plus vives que les plus vénérables manuscrits. » (3).
L’amateur éclairé dans "Le Temps retrouvé" nous rappelle que : « Par l'art seulement, nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers [...]. Grâce à l'art, au lieu de voir un seul monde, nous le voyons se multiplier, et autant qu'il y a d'univers originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition. » (4).
Jean-Bernard Pouchous - 2010.
Bibliographie :
-1- Pierre Rosenberg, Chardin, éd. Flammarion, coll. Monographie, 1999.
-2- Marcel Proust, Chardin et Rembrandt, éd. Le Bruit du temps, 2009.
-3- Nayla Tamraz, Proust Portrait Peinture, éd. Orizons, coll. Universités - Domaine littéraire, 2010.
-4- Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, tome 7 : Le temps retrouvé, éd. Gallimard, 1992.