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19-CLAP CŒUR


"Clap cœur", 2006, acrylique sur toile, 80 x 40 cm.

« C’est en forgeant qu’on devient forgeron mais ce n’est pas en se mouchant que l’on devient moucheron, ni en sciant que Léonard devint scie. » Francis Blanche (1921-1974) (1).


Je me fais du cinéma!

Un jour de 1989, j’ai offert à Catherine la boite en forme de cœur bleu or et rose qui se trouve représentée au centre gauche de cette peinture intitulée "Clap coeur". Evidemment de nombreux secrets intimes y étaient cachés. Le flacon pulvérisateur à poire est régulièrement rempli d’un liquide très original dont je vais par la suite vous narrer l’histoire. Le collier de perles de verre vertes est à Catherine également, il repose sur un compotier blanc et bleu qui reste à jamais le seul survivant de tout un service de table d’origine familiale. Le "Clap" provient du tournage d’un de mes films intitulé : "Josette Einstein".

Le coeur en porcelaine de limoge émaillée est entièrement peint à la main avec de l’or à 24 carats, c’est une copie de style Pompadour (2), un style à part dans le style Louis XV (1710-1774) (3). Quand vous l’ouvrez, elle libère toujours quelques bons mots comme ce prélude en honneur des dames: « Après moi le déluge ! » de Jeanne-Antoinette Lenormant d’Étiolles née Poisson, marquise de Pompadour appelée Madame de Pompadour (1721-1764) (4).

Qui a bien pu écrire cette phrase ? : « Le coeur en Amour est comme un oiseau dans la brume, il vole au hasard du vent, aveuglé par ce qui l’anime, jusqu’à ce que folie s’ensuive, quoique tout le monde sache qu’il n’y a aucune différence entre un être sage et un idiot quand ils tombent amoureux.»

Après ce réalisme poétique citons quelques mots de sagesse populaire pour attiser le sujet : « La distance est à l’amour ce que le vent est au feu, elle attise les grands et éteint les petits.»

Les mots d’un artiste, poète et académicien comme Jean Cocteau (1869-1947) (5), précisent savamment: « Le verbe aimer est difficile à conjuguer : son passé n’est pas simple, son présent n’est qu’indicatif, et son futur est toujours conditionnel.»

L’inventeur des droits d’auteur Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799) (6), écrivain et dramaturge français ne peut que revendiquer : « En fait d’amour, vois-tu, trop n’est pas même assez.»

Concluons avec une phrase à la pointe de l’avant-garde, lisons maintenant les derniers mots à profiter de leur liberté avec humour :

« Moi je dis que l’amour même sans amour c’est quand même l’amour. » Robert, Jean-François, Joseph, Pascal Lapointe, dit Bobby Lapointe (1922-1972) (7).

Revenons à notre peinture "Clap coeur".

Vous vous souvenez du petit pulvérisateur vert équipé d’une poire habillé d’un filet de coton gris, dont j’ai évoqué la présence dans cette peinture, plus haut, et bien à l’intérieur il y a de l’ "Eau de Meslier".

Et il en reste.

Cette eau provient d’une source à Étrépigny dans les Ardennes. Elle a été découverte au XVIII e. siècle, par l’abbé Jean Meslier (1664-1729). A sa mort, l’heureux homme confiait par écrit sa découverte à quelques initiés. Ceux, qui comme Voltaire, d’Holbach, Frédéric II de Prusse, Jean-Jacques Rousseau, Diderot, d’Alembert et l’ensemble des "encyclopédistes", l’ont goûté en premier, "sous le manteau" comme on disait à l’époque, resteront pour toujours sous l’influence de cette eau de la pensée. Véritable testament philosophique, ce trésor naturel, sera de plus en plus apprécié des beaux esprits et éclairera à tout jamais tous les mots dits des "Lumières". Resté depuis et à jamais, intarissable, il irrigue depuis trois siècles notre culture occidentale. Aujourd’hui, cette source de bien fait est tombée dans le domaine public, elle n’est exploitée que de façon volontaire et bénévole. Son débit constant en est fort généreux ce qui en fait un élixir à la portée de tous. Personne ne veut croire aujourd’hui que jadis cette eau a été arbitrairement classée dans les eaux non potables par les puissants monarques et les savantes églises.

C’est pourtant vrai !

C’est cette invective qui a toujours retenu les riches investisseurs à en faire un objet de spéculation, on dit qu’ils sont restés "entre deux eaux", évasifs, assujetti aux anciens pouvoirs. Cette pollution criminelle n’a jamais pu salir la réputation de cette généreuse nappe phréatique et dans les périodes les plus obscures de notre histoire, n’a jamais pu éradiquer son flux, tout au contraire plus la pression augmentait, plus les résurgences inévitables éclataient de-ci de-là marquant ainsi son pouvoir incompressible et symboliquement inaliénable sur tout un chacun. Dans ce puit sans fond se sont noyés tous ses détracteurs, chaque polémique ne faisant qu’abreuver sans fin, une admiration populaire assoiffée de liberté. On appelle ce phénomène "artésianisme". Malgré que personne n’en ai vraiment fait sa boisson, ou onction personnelle, voir même pour certain, simplement goûté une seule fois dans sa vie nous assistons à une véritable inondation, voir une marée humaine d’intérêt. Ce phénomène peut dangereusement aggraver les crues de croyances et de superstitions à son sujet, il faut savoir en drainer les flux anarchiques qui s’en échappent, et s’en imprégner en pleine conscience sachant que l’évaluation de ce phénomène par ses détracteurs révisionnistes est parfaitement forfaitatoire, c’est-à-dire très largement prédéfinie.

Voilà pourquoi cette eau ne fera sûrement jamais l’objet d’une industrialisation moderne avec conditionnement en bouteille plastique ou spray. Nous devons accepter, que ce produit divin, n’accède jamais à la grande distribution en vue d’une consommation de masse. Voilà bien ce qui en fait son charme éternel, d’ailleurs ! Ce bien universel restera de taille humaine d’autant que la quantité nécessaire à un effet immédiat est infinitésimale.

Tous les connaisseurs, libres d’apprécier le précieux liquide, savent s’en procurer par eux même et l’utiliser à la mode de chez nous. Chacun pense alors à Epicure: « Grâce soit rendue à la bienheureuse Nature qui a fait que ce qui est nécessaire est aisé à obtenir, tandis que les choses difficiles à se procurer ne sont pas nécessaires. ». A l’écoute de ces mots, émules et non initiés se prêtent à croire qu’une consommation modérée a un effet bénéfique sur la santé. Pour retrouver le bon goût et le bon sens propre au grand maître et à notre petit curé tant aimé, les adeptes se retrouvent en plein jour dans des lieux ouverts, en joyeuse compagnie pour en partager la dégustation et en étudier toutes les vertus. C’est une eau de l’esprit et sans chercher la redondance ou le pléonasme facile, on peut dire que c’est presque un spiritueux.

Traversé par la lumière, la célèbre transparence immaculée saute aux yeux du moindre néophyte, et l’on reconnaît que sa robe en est parfaitement translucide, c’est à croire qu’il n’y en a pas, comme si l’eau était nue, physiquement dans le plus simple appareil, immatérielle, transnaturelle, transubstantielle. Si maintenant, nous la faisons tourner sur elle-même, dans un verre, elle reste parfaitement claire et douce, fluide et limpide. Au nez aucun relent manichéen, c’est-à-dire trop divin ou trop diabolique, ne vient perturber son immanence. Dès la commissure des lèvres, le goût de cette eau est bénit dans toutes les langues. Après déglutition, ses arômes se maintiennent en bouche et favorisent les belles relations. Je m’autorise à vous dire avec toute la retenue et la pudeur requise par l’expérience qu’en plus, chacun de vos baisers communiquera la bonne humeur innocente dont tant de joie de vivre d’un souffle vital fera foi (8).

Après en avoir bu jusqu’à plus soif le grand mathématicien et philosophe français Jean le Rond d’Alembert (1717-1783) (9), dédia à son découvreur cette épitaphe : « Ci-gît un fort honnête homme, curé de village en Champagne qui, en mourant, a demandé pardon à Dieu d’avoir été chrétien et qui a prouvé par-là que quatre-vingt-dix neuf moutons et un Champenois ne font pas cent bêtes. »

Jean-Bernard Pouchous - 2006.

Bibliographie :

-1- Francis Blanche, Patrice Delbourg, Mon oursin et moi, éd. Castor Astral, coll. Les Inattendus, 2005.

-2- Evelyne Lever, Madame de Pompadour, éd. Perrin, coll. Tempus, 2003.

-3- Sophie Mouquin, Le style Louis XV, éd. de l'Amateur, coll. Des styles, 2003.

-4- Michel de Decker, La marquise des plaisirs : Madame de Pompadour, éd. Pygmalion, 2006.

-5- Monique Lange, Cocteau : Prince sans royaume, éd. J.C. Lattès, 1989.

-6- Beaumarchais, René Dalseme, La vie de Beaumarchais - vies des hommes illustres, éd. Gallimard, 1928.

-7- Bobby Lapointe, Chansonbricole : L’intégrale et quelques bricoles de plus, éd. Christian Pirot, 2005.

-8- Marc Bredel, Jean Meslier - l’enragé, éd. Balland, 1988.

-9- Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, J. le R. d’Alembert, Le jeu de l’amour et du hasard, éd. Pocket, 2006.

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