SEXUATION

"Rond Rouge", 1972, huile sur toile, 160 x 195 cm.

« La force est ce qui agit par soi-même. » Platon.

Parthénogenèse.

Cette photo de la peinture intitulée "Rond rouge" a été prise en 1972, au début de l’été, sur le parking à l’arrière de l’école des Beaux-Arts de Grenoble. Elle nous montre une toile dont le châssis a été déformé par l’ajout d’un autre châssis en forme de 3/4 d’ovale pour prolonger une forme ovoïde de couleur rouge vif au sommet à droite de l’oeuvre. Le tableau semble ainsi porter une sorte d’ovule qui fait protubérance et en déforme la surface rectangulaire. Cette forme semble retenue dans le tableau par une bande arrondie blanche légèrement pénétrée par la petite protubérance abdominale d’un être "bizarroïde" également blanc qui passe par-là. L’espace de circulation de cet être "bizarroïde" est une forme arrondie jaune posée au-dessus de la diagonale supérieure du tableau sur laquelle un deuxième ectoplasme de même acabit le suit en simulant des ondulations graphiques mouvementées. Dans la moitié inférieure basse et à gauche du tableau, il ressort sur un fond plus sombre, une photo d’identité fortement stylisée peinte en noir et blanc. Provenant de l’ovule rouge, une sorte d’ombre portée tramée de gris et de blanc recouvre cette évocation humaine. Le thème de cette peinture pourrait être : Il n’y a pas de génération spontanée! Tel que dans la Controverse "Needham-Spallanzani" sur la génération spontanée ou l’anticipation de la querelle "Pouchet-Pasteur" (1). L’apparition d’un être vivant sans ascendant, sans parent est impossible. Les petites souris ne naissent pas spontanément d’un tas de chiffons et les asticots ne sortent pas d’un morceau de fromage.

Au XIX e. siècle, les expériences du microbiologiste Louis Pasteur (1822-1895) (2) ont clairement établi que dans tous les cas supposés de “génération spontanée”, il y avait en fait des germes, des œufs, à l’origine des êtres vivants apparus. La remise en cause de la "génération spontanée" a joué un grand rôle dans les mesures d’hygiène et d’asepsie contre le développement des maladies. Comme aucun être humain n’arrive spontanément sur terre, l’humanité dans son ensemble ne serait pas non plus apparût de façon spontanée, même dans un océan primitif, grand liquide amniotique de la mère terre. Contrairement à la reproduction sexuelle, la multiplication asexuée est relativement rare, appelée "parthénogenèse", elle a un avantage sélectif car elle produit un grand nombre d’individus sans la présence de l’organisme mâle.

Certaines plantes et animaux se multiplient pourtant ainsi !

Aujourd’hui nous savons que, après investigation, il s’est avéré que le scientifique sud-coréen Hwang Woo-Suk (1952-…), réputé pour ses recherches sur les “cellules souches” et qui avait été inculpé en 2006 par les autorités de son pays de “fraude, détournement de fonds et violation des lois sur la bioéthique” pour avoir annoncé la réussite du clonage humain, a en fait observé la première “parthénogenèse humaine”, limitée aux premiers stades embryonnaires. Voir une présentation des résultats de cette étude dans "Jean-Yves Nau, Clonage humain : l'affaire Hwang élucidée", Le Monde, Sciences, samedi 4 août 2007, p. 6). Toutefois nous pouvons quand même affirmer que sans relation sexuelle pas de reproduction de l’espèce humaine, et pas d’espèce humaine sans relation sexuelle. Notre sexualité individuelle est socialement primordiale et donc fait l’objet de toutes nos attentions. Nous la stimulons, encourageons, manipulons, brimons, limitons ou parfois même interdisons, comme si la femme et l’homme étaient des êtres sans “libre arbitre”. Ainsi la propriété qu’a la volonté humaine à agir et à penser sa sexualité peut se déterminer librement mais le plus souvent c’est l’arbitraire qui sévit (3).

Qu’est-ce qui est donc apparu en premier : l’œuf ou la poule ?

« Du jour où vous supprimez le mal, vous en faites autant du libre arbitre. Il est absolument nécessaire d’avoir à choisir, et cela ne peut être qu’entre le bien et le mal. Sans choix, fini l’humanité. On devient autre chose. Ou alors, on est mort. » Anthony Burgess (1917-1993).

Au Moyen-Âge, on se baignait nu et sans complexes et on couchait nu avec toute la maisonnée, et souvent dans un même lit, domestiques compris. La renaissance marque un ordre social de la pudeur. La morale voulait que seule une personne d’un rang supérieur pouvait se montrer nue sans complexe. Ainsi le roi se montrait nu aux nobles, qui se montraient nus aux bourgeois, qui se montraient nus à leurs domestiques. L’inverse ne se faisait pas. Aujourd’hui, la pudeur verbale est le point de mire du psychiatre qui invite son patient “sur le divan” à être le plus totalement impudique verbalement, à se dévoiler le plus possible.

« Qui dit sapiens dit homo, proclame en son fronton le Ministère de l'Infertilité. En ces années qui précèdent l'an 2000, la Terre est épuisée par la surpopulation. Les États il n'en reste que deux - luttent avec acharnement contre ce fléau. On encourage l'homosexualité et on brime les naissances. Mais tout cela ne suffit pas et, inexorablement, le pouvoir s'achemine vers l'ultime issue pour gérer sa population : la guerre. » Anthony Burgess dans "La folle Semence" (4).

Jean-Bernard Pouchous - 2009.

Bibliographie :

-1- Bruno Alexandre, La Controverse Needham-Spallanzani sur la génération spontanée ou l’anticipation de la querelle Pouchet-Pasteur, éd. Publibook, coll. Religion, 2003.

-2- Patrice Debre, La Controverse Needham-Spallanzani sur la génération spontanée ou l’anticipation de la querelle Pouchet-Pasteur, éd. Publibook, coll. Religion, 2003.

-3- Ted Honderich, trad. N. D. Renaud, Etes-vous libre?, Le problème du déterminisme, éd. Syllepse, coll. Materiologiques, 2009.

-4- Anthony Burgess, La folle semence, éd. Serpent à plumes, 2001.