POLLUTION NOCTURNE

"Petit Couple", 1972, huile sur toile, 130 x 150 cm.

« L’homme est la mesure de toutes choses. » Protagoras.

Altérité.

Les thèmes abordés dans ces peintures intitulées "Petit Couple" étaient ambitieux mais aussi bien de mon âge (22 ans à l’époque): corps et esprit, homme et femme, reproduction de l’espèce humaine et plaisir, individuation et relation amoureuse ? D’autres questions restaient sans réponses comme: L’altérité (2) face à l’individualisme (3), l’individu face à la violence collective (4), être face au refuge fusionnelle communautaire, etc. J’étais alors étudiant aux Beaux-Arts et pour mes camarades qui peignaient des jolies tâches informelles ou rigoureusement géométriques (art non figuratifs) ou pour ceux qui peignaient laborieusement des bouquets de fleurs ou des paysages bucoliques, j’étais une "prise de tête". Lorsque j’ai peint entièrement de toute les couleurs, l’intérieur de ma Peugeot 403, vorace en hydrocarbure, mon cas fut sûrement considéré ce jour là, comme désespéré. Dans cette peinture que veulent dire les petits personnages (cellule bleue, rouge, blanche), qui sortent de leurs organes cérébraux et s’élèvent dans un ciel sombre et noir ?

Peut-être : L’une rêve t-elle à l’autre tandis que l’autre rêve à l’un ?

Je suivais alors, parallèlement, des cours d’écologie, où, entre autres, les catastrophes climatiques post an 2000, étaient annoncées clairement par le chargé de cours. Catastrophes écologiques provoquées par l’homme dont ont mettrait plusieurs générations à se remettre et qui pouvaient mettre en danger à plus ou moins long terme le monde climatique, végétal, animal voir la reproduction de notre propre espèce. Dans la liste des pollutions, les plus spectaculaires étaient celles dues à l’exploitation délirante des énergies fossiles pour la production pétrochimiques, automobile, pneumatique, du tout béton, du tout plastique et autres bienfaits de notre civilisation occidentale moderne. Ce savant pédagogue a rapidement été accusé de diaboliser l’économie de marché local et la paix civile dans la cité. Il a été évidement discrètement viré par les représentants bien pensant de la majorité silencieuse garante légitime de l’opinion publique à la grande joie de la plus part des élèves à la perversité complice, pensant à tort que ç’a n’avait rien à voir avec l’enseignement des humanités indispensable à l’obtention d’un emploi (5).

Le tort tue! L’avenir artistique se présentait à moi et à ma génération chevelue, d’un rose des plus ridicules, proche de celui de la panthère rose créé, en 1964, par le dessinateur Friz Freleng (1906-1995) (6) qui bien que le genre de l’animal impose aux francophones de parler d’”elle” au féminin, "Pinky" est clairement un "mâle" anglo-saxon.

Entre 17 ans et 23 ans, les jeunes gens ont l’esprit contestataire et simultanément s’ouvre à la compréhension du monde dans lequel ils vont vivre. Après cet âge ils seront absorbés par l’acquisition de compétences leur permettant d’avoir un “métier entre les mains”, ils n’auront plus le temps de réfléchir et 20 ans après ils vivront encore avec les croyances qu’ils auront adoptées dans cette période unique de leur vie. L’enjeu pour former les croyances de cette génération est alors formidable. En effet cette génération arrivera au pouvoir une vingtaine d’années après ses études et contrôlera ce pouvoir au moins pendant une vingtaine d’années avant qu’une autre génération la remplace. Comme l’explique l’écrivain de Sarlat-la-Canéda en Périgord noir Etienne de la Boétie (1530-1563), dans son "Discours sur la servitude volontaire" (7), le pouvoir pur réside dans notre passivité ou notre obéissance servile à ceux qui commanditent la spoliation légale et à ceux qui l’exécutent.

Jean-Bernard Pouchous - 2008.