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Titien - "Mater Dolorosa" (1554)


"D'après Titien - Mater Dolorosa", 2011, acrylique sur toile, 35 x 22 cm.

« Si l'on vivait cent vingt ans, on préférerait Titien à tout. » Delacroix.


Douleur profane.

La peinture intitulée "D'après Titien - Mater Dolorosa", a été peinte d’après "Mater Dolorosa", huile sur toile (68 cm x 53 cm.), du Titien (1490-1576), exposée au Musée du Prado à Madrid, Espagne.

Ce tableau a été commandé par Marie de Hongrie, la soeur aînée de l’empereur Charles Quint. La thématique de la douleur et du deuil est au cœur de la problématique du genre. Dès l’Antiquité, l’expression discursive du deuil est prise en charge socialement par des figures féminines, les « pleureuses ». Dans la chrétienté européenne de la fin du Moyen-Âge s’établit une connexion entre le sentiment du péché, du mépris du monde, et cette exaltation de la souffrance, qu’ont favorisé les guerres et les pestes du XIV e. et XVe. siècles. Cette crise a pu inciter les dominants ecclésiastiques et laïcs, ceux-là même qui commandent les œuvres d’art, à exacerber la valeur rédemptrice de la douleur pour mieux exploiter les moins nantis et masquer le luxe de leur mode de. La Vierge doit donc renoncer au monde et souffrir avec le Fils pour avoir accès au sein du Père. L’expression latine mater dolorosa conserve une forte connotation religieuse jusqu’au XIV e. / XV e. siècles. Par la suite, ses emplois se diversifient et quittent le domaine strictement religieux. Des représentations de mater dolorosa profane apparaissent au XVI e. siècle, notamment sous le pinceau de Titien.

En 1551, à plus de soixante ans, Titien se fixe définitivement à Venise. Son temps est entièrement occupé à réaliser les commandes des princes, travaillant à de nouvelles formes d'expression. Même dans les thèmes profanes, la construction dramatique est plus intense. Il meurt avant d'avoir terminé sa dernière œuvre, une "Pietà" (1570-1576), toile (378 × 347 cm.), aujourd’hui à la Galerie dell'Accademia de Venise, toile qu’il avait destinée à son tombeau au Frari, c'est Palma le Jeune (548-1628) qui l'achèvera.

Le Moyen Âge, cela va sans dire, admettait comme un dogme fondamental du christianisme que l'homme, créé à l'image de Dieu, était libre, qu'il était capable de produire du nouveau, et qu'il était une fin plutôt qu'un moyen. Pourtant il y a un abîme entre ces deux citations, l'une de Brunetto Latini : « Toutes choses entre ciel et terre ont été faites pour l'homme, mais l'homme a été fait pour lui-même » (à quoi un pieux annotateur se crut tenu d'ajouter : « et afin qu'il vive en servant Dieu, pour atteindre de la sorte à l'éternelle béatitude ») ; la deuxième de Pic de la Mirandole : « Ô homme, de toi-même à ton gré modeleur et sculpteur (« tui ipsius arbitrarius plastes et fictor »), puisses-tu te donner la forme qui te plaît !». Il y a un abîme entre la liberté qu'aurait l'homme d'accepter ou rejeter la grâce de Dieu, et sa liberté de choisir entre des impul­sions qui lui sont propres, et qui ne doivent rien qu'à elles-mêmes. C'est cette seconde sorte de liberté qui a rendu possible l'émergence de deux genres littéraires de première importance, prati­quement inconnus du Moyen Âge : la nouvelle ou le roman en prose (« novel »), par opposition au roman en vers (« romance »), et le drame, par opposition au mystère. (1)

Jean-Bernard Pouchous - 2011.

Bibliographie :

-1- Erwin Panofsky, L’œuvre d’art et ses significations, Trad. Marthe et Bernard Teyssèdre, Coll. Folio Essais, éd. Gallimard, 1995.

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