OBJECTIF : OBJECTIVITE.
"Et après ce jour…, Tu ne dors pas…", 70 x 55 cm. "Tu ne dors pas... Je n’y arrive pas ! ", Stylo bille, gouache et collage d’imprimés sur papier centimètré, 55 x 70 cm., 1977.
« Comment combiner la perspective d'une personne particulière à l'intérieur du monde avec une vue objective de ce même monde susceptible d'inclure la personne et son point de vue. » Thomas Nagel - 1937- (1), philosophe américain. Il est connu dans le domaine de la philosophie en tant que défenseur de l’idée que la conscience et le subjectif ne peuvent pas être réduit à l’activité du cerveau (What is it like to be a bat ?).. C'est un problème que rencontre tout être vivant qui possède la capacité et la tendance à transcender son point de vue particulier et à concevoir le monde comme un tout.
Gène.
Ces trois dessins-collages “Tu ne dors pas…Je n’y arrive pas !”, “Et après ce jour…” et “ Tu ne dors pas…”, font partie d’une même série réalisée au stylo bic noir sur papier centimètré jaune, papier servant habituellement au tracé original de patron de couture pour la coupe. Chaque dessin représente une scène extraite d’un photo-roman avec leurs cases et leurs bulles remplies de commentaires, monologues et dialogues divers si spécifiques à ce style de presse. La composition générale était ensuite complétée par l’ajout de reproductions photographiques imprimées en “offset”couleurs représentant des corps de femmes nues découpées dans des magazines érotiques. Ces images avaient été préalablement découpées pour en évacuer tous visages, chevelure et vêtements (Flesh sketch) avant d’être colées. Le Dessin était ensuite encadré est fermé rempli à la base de son encadrement par un aplat de gouache bleu outremer. Dans le dessin-collage intitulé “Tu ne dors pas… Je n’y arrive pas !” Il s’agit de la scène d’une femme et de son mari dialoguant, dans le lit nuptial. Dans le dessin-collage intitulé “Et après ce jour…” et “Tu ne dors pas…” il s’agit de scène de complicité intime entre amants C’était avant “Dallas” et “Les feux de l’amour”, le média changent (actualisation - modernité) mais les contenus restent invariants. Les objets dits empiriques ou matériels se caractérisent ainsi par la continuité spatio-temporelle, l’inter-modalité (accord des différents sens: vue, toucher, odorat, etc.), et certaines autres propriétés mécaniques, chimiques ou autres…
A l’époque j’étais à la recherche d’une nouvelle objectivité ou de sa critique que l’on pourrait décliner en trois points: Primo, je prenais un objet en tant qu’objet, le média photo roman, secondo, j’en prenais connaissance et me représentais cet objet, l’image et le texte du photo roman et tertio je devenais alors le sujet de cette connaissance ou représentation (son auteur) par une intervention plastique de saturation de l’image pour en détourner le sujet. On entend habituellement par objectivité d’un objet ce en quoi consiste la réalité de cet objet. L’un des critères d’objectivité les plus courant est celui de l’indépendance à l’égard d’un quelconque sujet connaissant.
« Puisque c’est dans le journal (média), puisque çà passe à la télé, puisque c’est sur le net..., c’est vrai! (l’info.) » Expression populaire.
Entendue au sens métaphysique d’une réalité de l’objet, l’objectivité s’oppose soit à ce qui n’est qu’apparence, illusion, fiction, soit à ce qui n’est que mental ou spirituel, contrairement à ce qui est physique ou matériel.
L’objectivité d’un sujet s’exprime généralement en termes de neutralité, impartialité, désintéressement, ou impersonnalité. Il s’agit d’une prise de distance du sujet vis-à-vis de lui-même pour se rapprocher de l’objet, étant admis que l’objectivité et la subjectivité sont mutuellement exclusives. L’individu objectif est censé, au moment de porter un jugement, d’abandonner tout ce qui lui est propre (idées, croyances ou préférences personnelles) pour atteindre une espèce d’universalité, ce que Thomas Nagel a appelé le “point de vue de nulle part” (1). Cette conception utopique “de nulle part” a été remise en question, surtout à partir des années 1960 et 1970, tant pour des raisons pratiques que de principe.
« L’homme ne peut jouir de ce qu’il sait qu’autant qu’il peut le communiquer à quelqu’un. » Giacomo Casanova (1725-1798) dans “Icosaméron”, ou “Histoire d’Edouard et d’Elisabeth qui passèrent quatre-vingt-un ans chez les Mégamicres, habitants aborigènes du protocosme dans l’intérieur de notre globe” (1788) (2).
Il faut distinguer le phantasme inconscient du fantasme conscient.
Pour un sujet, “phantasmer” son Oedipe, voir inconsciemment un rival dans l’homme auquel il est confronté, dans sa propre relation avec sa mère ou son substitut, est de l’ordre de l’inconscient.
Par contre, fantasmer sur quelqu’un (vu comme objet sexuel) est de l’ordre de la pensée et agie consciemment.
La journaliste Nancy Friday - 1933-, bouleverse l’Amérique en 1973 en lui faisant découvrir, dans “My secret garden”, que les femmes (sic) elles aussi ont des fantasmes, ce livre devint un best-seller (3).
Dans ce sens comme le décrit l’anthropologue, psychologue, épistémologue américain Gregory Bateson - 1904-1980 - (4), le fantasme est une activité ludique imaginaire d’un jeu théâtral où chacun est à la fois l’auteur, l’acteur et le metteur en scène.
Le “passage à l’acte” (5) est la réalisation matérielle d’un fantasme qu’elle est comme objectif soit de la masturbation, soit de la relation sexuelle et dans la relation sexuelle les partenaires partagent rarement les mêmes fantasmes...
« Là où il y a de la gène il n’y a plus de plaisir. » Dicton populaire français.
L’imagerie érotique et pornographique (textes, photos...) est très utilisée comme stimulant fantasmatique. Les images de corps nus de “beauté(e)s” sont sélectionnées selon le physique des corps photographiés. Le critère premier de choix est le “sex-appeal” qui se dégage des modèles de nus utilisés. Les photographes disent de quelqu’un qu’il ou n’est pas “photogénique”. Les pauses très ou peu suggestives sont figées et transformées par le génie de la photo et fixées à leur tour par celui de l’imprimerie qui avec de l’encre et du papier nous en expose les apparences dans des revues dites spécialisées. Ces images en couleurs de diverses carnations sont très demandées par les hommes et les femmes, elles servent essentiellement à s’auto-exciter, seul ou en compagnie, quelle que soit la qualité d’attirance sexuelle propre au partenaire réel absent ou présent en chair et en os. On parle alors de substitut. Des femmes et des hommes appelés “objets” de voyeurisme, médiatisent ainsi leur corps pour en vendre l’image. Ils sont alors métamorphosés en une sorte de palliatif, de stimuli érotiques ou pornographiques, un aphrodisiaque visuel ou un stimulant énergétique, comme le ferait, à un autre niveau, un spectacle de “peep show” ou à un “streaptease”. La fascination pour ce genre d’image est totalement pulsionnelle (6).
La perception visuelle domine alors sur les autres perceptions olfactives, auditives et tactiles. Le choix des modèles est prémédité et obéit à des règles plus ou moins empiriques, comme la prégnance sexuelle des corps ou certaines modes d’appartenances anatomiques et de pause dites allusives à diverses actions préliminaires de séduction érotique ou de pratiques sexuelles réelles.
Les proportions esthétiques, comme les relations des proportions de largeur des hanches et largeur de taille (Golden ratio), la géométrie et l’harmonie des volumes (épaules, seins, fesses, cuisses etc ... , waist-hip-ratio), pour les femmes et la musculature athlétique pour les hommes seraient déterminants pour provoquer l’appétit sexuel et le désir charnel... et indirectement l’achat de documentation stimulante.
Documenté, ou pas, le fantasme serait un rêve érotique éveillé, un plaisir en soi et le grand véhicule mental du désir sexué. Un jardin secret pour y cultiver les merveilles de sa sensualité propre. Considéré comme une activité onirique et ludique il n’a rien à voir à un niveau conscient avec le désir de reproduction de l’espèce ni avec le coït. Le fantasme développe l’imaginaire, stimule la libido, il est la nourriture de la relation amoureuse à soi, à l’autre et aux autres.
« Honni soit qui mal y pense », la devise de l’Ordre de la jarretière depuis 1348, propre à la Chevalerie de la couronne d’Angleterre, naquis d’une réaction royale pour couper court à tout fantasme. En effet, selon la légende, la création de cet ordre aurait été décidée par Edouard III - 1312-1377 - , roi d’Angleterre de 1327 à 1377 (7) lors d’un bal à Calais, où il dansait avec sa maîtresse, Catherine de Grandisson - 1304-1349 - (8) comtesse douairière de Salisbury. Celle-ci ayant, en dansant, fait tomber sa jarretière, le roi, galamment, la ramassa sous les quolibets des danseurs, la mit à son genou et coupa court aux railleries par ces mots : « Messieurs, honni soit qui mal y pense. Ceux qui rient maintenant seront très honorés d’en porter une semblable, car ce ruban sera mis en tel honneur que les railleurs eux-mêmes le chercheront avec empressement. »
L’amalgame fantasme et masturbation intellectuelle amène à considère l’activité de l’esprit comme inféconde. La masturbation intellectuelle ne déboucherait sur aucunes réalisations ou idées nouvelles, comme la masturbation sexuelle ne débouche sur aucune fécondation sexuelle. Les deux comportements ayant été l’un et l’autre longtemps méprisés et considérés comme l’ennemi de la production matérielle. Le terme possède encore actuellement une connotation péjorative qui doit sans doute plus à quelque mépris de l’activité intellectuelle non “rentable” en termes de spéculation morale et financière.
Nous pouvons quand même recommander la lecture de certain livre à grand tirage et autre “best seller”, d’une seule main seulement.
« L’ambition est le fumier de la gloire » L’Aretin, - 1492-1556 - (9).
Jean-Bernard Pouchous - 2008.
Bibliographie :
-1- Thomas Nagel, Qu'est ce que tout cela veut dire ? Une très brève introduction à la philosophie, éd. Eclat, 1993.
-2- Giacomo Casanova, 1788, Icosaméron, ou, Histoire d’Edouard et d’Elisabeth qui passèrent quatre-vingt-un ans chez les Mégamicres, habitants aborigènes du protocosme dans l’intérieur de notre globe, éd. François Bourin, 1994.
-3- Nancy Friday, My secret garden, éd. Simon & Schulter, 1973.
-4- Gregory Bateson, Vers une écologie de l’esprit, tome 1 et 2, Collection Point essais, éd. Seuil, 2008.
-5- A. Yahyaoui, Violence, passages à l’acte et situation de rupture, éd. Pensée sauvage, collection Ethnopsy, 2000.
-6- Edouard Pontremoli, L’Excès du visible, Une approche phénoménologique de la photogénie, éd. Jérôme Million, collection Krisis, 1996.
-7- Ian Mortimer, The Perfect King: The Life of Edward III, Father of the English Nation, éd. Vintage, 2008.
-9- P. G. Dublin, La vie de l’Aretin, éd. Nouvelles Editions Latines, 1958.