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15-BRUIT D'AUTOS


"Bruit d’autos", 2006, acrylique sur toile, 80 x 40 cm.« L’éducation développe les facultés, mais ne les crée pas. » Voltaire (1694/1778) (1).


Pouuuuuuuuuu…Chouuuuuuuuu…

A chaque fois que je vois ce napperon de fil de jute ici représenté sur le fond de cette peinture intitulée "Bruit d’auto", je suis épaté par le travail manuel nécessaire à son tricotage, ouvrage de patience, ouvrage systématique. La confection des nœuds s’enchaîne géométriquement de haut en bas comme une suite d’opération se provoquant l’une après l’autre. Se déroulé ressemble au carton d’un piano mécanique qui permettrait la récitation automatiquement de la célèbre réplique de Sganarelle, dans "Dom Juan" de Molière (1622-1673) (2): « Sachez, Monsieur, que tant va la cruche à l’eau, qu’enfin elle se brise; et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, l’homme est en ce monde ainsi que l’oiseau sur la branche; la branche est attachée à l’arbre; qui s’attache à l’arbre, suit de bons préceptes; les bons préceptes valent mieux que les belles paroles; les belles paroles se trouvent à la cour; à la cour sont les courtisans; les courtisans suivent la mode; la mode vient de la fantaisie; la fantaisie est une faculté de l’âme; l’âme est ce qui nous donne la vie; la vie finit par la mort; la mort nous fait penser au Ciel; le ciel est au-dessus de la terre; la terre n’est point la mer; la mer est sujette aux orages; les orages tourmentent les vaisseaux; les vaisseaux ont besoin d’un bon pilote; un bon pilote a de la prudence; la prudence n’est point dans les jeunes gens; les jeunes gens doivent obéissance aux vieux; les vieux aiment les richesses; les richesses font les riches; les riches ne sont pas pauvres; les pauvres ont de la nécessité; nécessité n’a point de loi; qui n’a point de loi vit en bête brute ? et, par conséquent, vous serez damné à tous les diables. » (Acte V, Scène 2)

Cette célèbre concaténation tient son succès à la disposition dans un même texte de plusieurs anadiploses successives (ex. : "Il est bête. Bête il restera"), à la manière du mouvement que peut entraîner les maillons d’une chaîne de vélo, le va et vient du fils de trame entre les fils de la chaîne d’un métier à tisser. Le liage obtenu entre ces fils de chaîne et trame se définit par une armure (toile, sergé et satin). Avec ce mot, nous voilà dans de beau drap !

J’ai posé une conque sur ce napperon de fil de jute, napperon de fil de jute lui-même disposée sous la conque, conque ramené fin août 1994, de Rabaul. Rabaul est la capitale de l’île de Nouvelle Bretagne de Papouasie-Nouvelle-Guinée jusqu’en septembre 1994. Ce nom signifie "mangrove" en Kuanua (la langue locale), en référence au fait que la ville a été construite sur une ancienne mangrove. "Le Rabaul" est aussi le nom d’un volcan constitué d’une caldeira à demi ouverte sur la mer de Bismarck. Cette caldeira forme une grande baie appelée "Blanche Bay", port naturel de la ville de Rabaul. La proximité de volcan en activité a toujours formé une menace pour la ville. En 1878, une éruption provoqua la naissance d’un volcan dans le port. En 1937, deux volcans situés de chaque côté de l’entrée de la baie, le "Tavurvur" et le "Vulcan", entrèrent en éruption et tuèrent 507 personnes en causant d’énormes dégâts (3). Après des alertes en 1983 et 1984, le "Tavurvur" ou "nid de frelons" et "Vulcan" entrèrent à nouveau en éruption en 1994, détruisant l’aéroport et ensevelissant la majorité de la ville sous les cendres (4). Rabaul était la troisième plus grande ville de Papouasie Nouvelle-Guinée avec ses 30.000 habitants. En fait, il n’est heureusement à déplorer, sur l’ensemble de l’éruption, que 10 victimes et quelques blessés victimes de la foudre, de l’effondrement des toits de maisons, des coulées boueuses, d’asphyxie et de maladies ainsi que d’accidents de la circulation dus à la panique. 25.000 personnes, totalement sinistrées, ont perdu leur maison mais c’est près de 80.000 personnes qui ont été évacuées et sauvées (5).

La nouvelle capitale "Kokopo", est située à 20 kilomètres de l’ex Rabaul, si bien que la nouvelle capitale et le nouvel aéroport sont encore souvent appelés Rabaul. J’ai appris depuis qu’il y a eu d’autres éruptions notamment en octobre 2006.

La conque, ce grand coquillage, percée vers sa pointe peut être utilisée comme instrument de musique à vent. L’instrumentaliste souffle dans celle-ci pour produire le son selon le même principe que la trompe ou la corne. Il est possible d’obtenir plusieurs tons en bouchant plus ou moins l’obturation.

Pouuuuuuuuuu…Chouuuuuuuuu…

Elle est utilisée par les Papoues pour communiquer. Son utilisation la plus spectaculaire est pour annoncer la capture d’un requin. "L’appel du requin" est une pêche solitaire qui se fait en pirogue à balancier aux abords de la barrière de corail dans les îles Tabar dans les eaux de l’océan pacifique.

Le requin est appelé par le pêcheur/chasseur en agitant sous l’eau une crécelle de demi-noix de coco reliée entre elles par un lien. Ce bruit sous-marin attire le grand prédateur qui tourne alors autour de l’embarcation. L’animal s’approche de plus en plus, frôlant parfois le balancier de bois. Dès qu’il est à portée de main il est d’un seul geste, capturé au lasso. Le monstre s’enfonce alors brutalement dans les profondeurs, mais une bouée de noix de coco creuses et étanches est accrochée à l’autre extrémité du lasso et le retient à 3, 4 mètres de profondeur. Le chasseur tire fermement la corde vers lui pour remonter habilement à la surface le requin. Dès que la gueule de celui-ci émerge notre Papoue lui assène de grands coups de massue. La lutte prend quelques secondes, une fois le requin assommé, le chasseur le hisse tend bien que mal à bord de la pirogue. L’homme se redresse fièrement et sonne de sa conque pour annoncer sa victoire alentour. Heureux, il pagaie rapidement jusqu’au rivage et débarque le requin sur la plage.

De son couteau il coupe l’aileron dorsal qu’il garde pour le vendre au village, les Japonais en sont très friands, puis il partage sa proie sanguinolente avec les riverains qui ont entendu son appel (6).

Pouuuuuuuuuu…Chouuuuuuuuu… Pouuuuuuuuuu… Chouuuuuuuuu…

Dans la peinture intitulée "Bruit d’auto", le son imagé qui s’échappe du pavillon de la conque est une automobile jouet. Cette auto mécanique bleue verte, fait partie de la collection familiale des petits fétiches exposés dans la maison. Ils correspondent à l’esprit des ancêtres et sont des divinités particulières de notre famille. Pour obtenir leur protection, on leur consacre une place dans la maison et on leur offre des aliments sur le "Lararium", le temple domestique. On peut les appeler des Lares, parfois aussi appelés en latin Genii loci. Ils sont les fils de Mercure (dieu du commerce, des voyages et messager des autres dieux romains) et de Lara une naïade, fille de la rivière Almon (qui se jette dans le Tibre, au-dessous de Rome), elle est aussi la déesse du silence.

Jupiter, amoureux de Juturne, déesse romaine des fontaines, des puits et des sources, n’ayant pu la trouver, parce qu’elle s’était enfuie et jetée dans le Tibre, appela toutes les naïades du Latium et les pria d’empêcher la nymphe de se cacher dans leurs rivières. Toutes lui promirent leurs services. Lara seule alla déclarer à Juturne et à Junon les desseins de Jupiter. Le dieu, irrité, lui fit couper la langue, et donna ordre à Mercure de la conduire aux enfers ; mais, en chemin, Mercure, épris de la beauté de cette nymphe, s’en fit aimer, et en eut deux enfants, qui, du nom de leur mère, furent appelés "Lares" (7).

Chouuuuuuuuu… Pouuuuuuuuuu… Chouuuuuuuuu…

Cet objet en modèle réduit comme son modèle de taille réelle peut se propulser par lui-même à l’aide d’un moteur (moteur à ressort).

L’automobile a fait et fera encore beaucoup de bruit. Elle est le véhicule terrestre par excellence, elle est le moyen de transport le plus répandu actuellement sur la planète. (1.873.000 voitures neuves vendues en 1980, pour 2.050.000 en 2008 en France) Pour le monde entier, le premier milliard de voitures (particulières et utilitaires) a été dépassé durant l'année 2007 (Source: Comité des Constructeurs Français d'Automobiles). Sa capacité permet habituellement de transporter de une à dix personnes. Le terme "automobile" a été créé lors de l’invention des premières voitures "automobiles" vendu en série, car elles étaient munies d’un moteur (moteur à explosion) avec source d’énergie embarquée (énergie fossile), alors que les autres voitures, diligences, calèches, carrioles, chariots et autres véhicules terrestres étaient mus par un ou des chevaux (hippomobiles) ou un ou des bœufs. Si la première automobile était à vapeur, que d’autres ont utilisé le gaz et l’électricité pour se mouvoir, elles roulent essentiellement toutes grâce au pétrole (8).

Pouuuuuuuuuu… Chouuuuuuuuu…

En 1969, mon père est mort d’un accident d’automobile. A cette époque la sécurité routière n’imposait pas le port de la ceinture de sécurité ce qui lui aurait peut être sauvé la vie. A un croisement une voiture lui est violemment rentrée dedans au niveau de la porte du conducteur. Le choc l’a projeté à travers la portière du passager sur la chaussée pour lui fracasser le crâne sur le rebord du trottoir. Il est mort sur le coup à l’âge de cinquante ans.

En France, l’hécatombe au volant a connu son sommet en 1972 avec 16.548 morts, puis a baissé grâce à l’amélioration des véhicules, la mise en place des limitations de vitesse, l’extension des autoroutes et la réduction de la consommation de psychotropes notamment l’alcool pour être d’environ 6.000 morts au début des années 2.000.

Pouuuuuuuuuu…

Ce moyen de transport en plus d’être meurtrier est énergivore et nous empoisonne en dégageant toute sorte de gaz d’échappement. Dans les grandes métropoles, le smog est presque quotidien, l’automobile en est une des causes (9). L’impact environnemental le plus connu est la pollution atmosphérique, qui cause des maladies respiratoires et contribue au réchauffement de la planète. Avec le chauffage, l’automobile est devenue le principal responsable des smogs urbains dans nos grandes métropoles, il est devenu chronique dans les capitales asiatiques. Cette consommation débridée d’hydrocarbure cause actuellement une nouvelle grande guerre mondiale (10). Y aura-t-il une vie après le pétrole ? (11) Comment passerons-nous de la pénurie aux énergies nouvelles ? L’après pétrole a-t-il déjà commencé ? (12).

Le psychanalyste humaniste nord-américain Erich Fromm (1900-1980) (13), disait déjà: « Comment convaincre des millions de petits-bourgeois chinois qui aspirent à avoir une voiture que ce n’est pas une bonne idée ? (…) Dans une étude des stimuli, La Passion de détruire, je faisais la différence entre les stimuli « activants » et les stimuli «simples» ou « passifiants » et je formulais cette loi : « Plus le stimulus est « passif », plus il doit être fréquemment modifié en intensité et/ou en nature; plus il est activant, plus il conserve longtemps ses qualités stimulantes et moins il est nécessaire de le modifier en intensité et en contenu ».

Jean-Bernard Pouchous - 2009.

Bibliographie :

-1- Voltaire, Candide ou l’Optimisme, éd. Theleme, 2008.

-2- Molière, Dom Juan, éd. Larousse, coll. Classiques, 1998.

-3- John Dademo Waiko, A Short History of Papua New Guinea, éd. Oxford University Press Australia, 1993.

-4- Johnson R. W., Threlfall N. A., (1985): Volcano Town. The 1937-1943 Rabaul eruption, éd. Rober Brown and associates, 1985.

-5- Bolng R. , McKee C (1995): The Rabaul eruption 1994 - Destruction of a town, éd. Macquarie University, NSW 2 109, Australia, 1995.

-6- Dennis O’Rourke, Shark Callers of Kontu, 54 mn., DVD, distrib. Camerawork Pty Ltd, 1974.

-7- Annie Dubourdieu, Les origines et le développement du culte des pénates à Rome, éd. Ecole Française de Rome, 1989.

-8- Eric Laurent, La face cachée du pétrole, éd. Pocket, 2007.

-9- Paul Degobert, Automobile et Pollution, éd. Technip, 2000.

-10- François Lafargue, Guerre Mondiale du Pétrole, éd. Ellipses Marketing, 2008.

-11- Jean-Luc Wingert, La vie après le pétrole: De la pénurie aux énergies nouvelles, éd. Autrement, coll. Frontières, 2005.

-12- Serge Enderlin, L’après pétrole a commencé, éd. Seuil, coll. Essais, 2009.

-13- Erich Fromm, traduction de Théo Carlier, La passion de détruire: Anatomie de la destructivité humaine, éd. Robert Laffont, coll. Réponses, 2001.

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