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PINGOUIN, MANCHOT ET TRAVAIL


11-B- "Gorfou doré", 1991, acrylique sur toile, 55 x 46 cm.

« Les Stoïciens font un exposé rationnel de l'image et de la sensation, selon lequel le critérium par lequel on discerne le vrai des choses est le genre de l'image, et selon lequel le raisonnement sur l'assentiment, la compréhension et l'intellection, qui précède tout, ne peut pas se passer de l'image. Car l'image est à l'ori­gine, puis vient la pensée discursive, dont le rôle est d'élaborer la sensation donnée par l'image, et de l'exprimer en un concept. » Dioclès de Magnésie, "Revue des Philosophes" dans "Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres", Diogène Laërce (III e. s ) (1).


11-B- Pingouin, manchot et travail.

La peinture intitulée "Gorfou doré", représente un gorfou doré ou macaroni (Eudyptes chrysolophus) reconnaissable à ses longues plumes jaunes, appelée "aigrette", disposées de chaque côté au dessus de ses yeux

(2).

Les pingouins sont très souvent amalgamés aux manchots dans la culture populaire, ce qui fait que l’usage du mot "pingouin" désigne ainsi quasiment toujours un manchot. Le pingouin est un oiseau palmipède des mers arctiques, piscivore, remarquable plongeur, qui vient nicher sur les côtes de l’Europe occidentale. Un “drôle de pingouin”, est une expression qui signifie un drôle d’individu. Le pingouin vole alors que le manchot ne vole pas. Le pingouin est manchot, il est considéré comme estropié ou privé de ses mains et de ses bras alors que ce palmipède des régions antarctiques, dont les membres antérieurs sont impropres au vol sont utilisées comme de remarquables nageoires, d’où l’expression “Ne pas être manchot”, familièrement entendu comme être adroit, fort.

Un manchot donc est quelqu’un qui ne sait pas se servir de ses mains voir un fainéant. Aucun travailleur manuel ne peut être manchot et encore moins un pingouin à costume 3 pièces qui vole un œuf (vol un bœuf). Le travail manuel est effectivement opposé au travail intellectuel dans la réalité sociale et dans les formes sociales du travail au point que pour certain, une machine peut remplacer un ouvrier (3). Les opérations élémentaires du travail technique finissent par réduire le travail manuel à un enchaînement mécanique effectué machinalement. Le travail manuel serait réalisable d’une façon machinale, sans réflexion, alors que le travail intellectuel serait conscient et responsable. L’opposition travail manuel et travail intellectuel est impossible si on considère la forme idéale du travail, ce processus qui commence avec l’invention et se termine à la réalisation, processus pénétré du début à la fin d’intelligence. Dès lors le travail manuel est toujours un travail intellectuel. Encore faut-il qu’il soit exercé par une personne qui se retrouve pleinement dans son activité et dans l’œuvre produite. C’est la conscience de soi qui entre dans l’élément de la permanence grâce à la collaboration d’un savoir et d’un savoir-faire, collaboration indissociable à une production. L’opposition du travail manuel et du travail intellectuel n’est-elle pas ce qui permet de comprendre l’aboutissement d’un processus technique social entièrement soumis au rendement, à la production de la quantité ? Le travail intellectuel et le travail manuel s’opposent comme source de la division de la société en classe. Cette division, alors, est-elle aussi opposition? La division technique du travail (4) est à l’origine de la distinction en classes sociales qui s’opposent pleinement. C’est la source d’une contradiction entre ceux qui exploitent et ceux qui sont exploités. Pour un marxiste, le travail est aliéné en fonction de cette opposition: inventé par un autre, organisé par un autre... Le travail aliéné profite à un autre puisque le travail émietté a perdu sa valeur. C’est un travail manuel qui ne contrôle plus les tenants et les aboutissants de son processus de travail. Une telle opposition est un signe: le travail vivant a été remplacé par une abstraction, cette abstraction est à l’origine de la misère sociale et de l’exploitation de l’homme par l’homme. Ce serait donc une véritable lobotomie. L’artiste est sensible à cette décébralisation à moins qu’il soit lui-même devenu essentiellement intellectuel, autrement dit, qu’il ait attrapé "la grosse tête" et qu’il ne mette plus la main à la pâte. Aujourd’hui, dans le milieu de l’art contemporain, le terme travail désigne à la fois l’œuvre en cours de création mais aussi l’ensemble de la production d’un artiste. Cette dualité de définition permet en fait d’insister sur la notion d’élaboration permanente (work in progress), plutôt que sur la réalisation du chef-d’oeuvre de sa vie.

Jean-Bernard Pouchous - 2007.

11-Bibliographie

11-B-1- Diogène Laërce, Robert Genaille, Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres, tome II, éd. Flammarion, coll. GF Philosophie, 1993.

11-B-2- Collectif, Le Manchot, éd. Mando, coll. L’encyclopédie des animaux, l’oiseau des glaces, 1991.

11-B-3- Jean Guitton, Travail Intellectuel, éd. Aubier Montaigne, 1992.

11-B-4- Mateo Alaluf, Pierre Rolle, Paul Schoetter, La division du travail et du social, éd. Octarès, 2001.

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