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12-CIMENT VERRE


"Ciment verre", 2006, acrylique sur toile, 80 x 40 cm.

« Il se trouve autant de différence de nous à nous-même, que de nous à autrui. » Montaigne (1533-1592).


Picpus.

L’atelier dans lequel j’ai peint cette œuvre intitulée "Ciment verre" est un ancien bar à vin qui occupe le rez-de-chaussée d’un bel immeuble de 1902 du douzième arrondissement de Paris. Dans une des deux boutiques sur rue, il y avait un bar et dans l’autre un commerce de vente de vins en vrac, organisé autour de deux cuves gigantesques en béton armé. Chaque réservoir avait un volume de deux m3., l’intérieur était vitrifié et communiquait les variations de son contenu grâce à une jauge en tube de verre disposée à l’extérieur selon le principe des vases communicants. Un robinet de cuivre par cuve en assurait le débit. Ce monstre alcoolique occupait facilement le tiers de l’espace ce qui concouru à rendre très abordable le prix d’achat en nue propriété car il repoussait les prétendants à l’achat qui mesurait tout de suite le surcoût que provoqueraient les travaux pour se débarrasser de ces citernes devenues définitivement inutiles. Il y avait aussi le problème technique de destruction, car selon comment les moyens à mettre en oeuvre, la casse de l’objet pouvait mettre en péril l’immeuble lui-même. Moi çà ne me faisait pas peur car ce n’était finalement qu‘une question de temps. J’optais pour un long grignotage au perforateur. J’ai pris mon temps et récupérer toute la quincaillerie embarquée sur les cuves. C’est de là que provient le panneau émaillé que nous voyons dans la moitié supérieure de la peinture appelé "Ciment verre". Il indique les coordonnées du fabriquant : "Cie du ciment-verre 21 bd. de Picpus - Paris". J’ai vissé le souvenir de ces longs travaux d’aménagement intérieur comme un trophée, sur le verso de la porte du placard du compteur EDF de la maison.

J’aime ce mot "Picpus", primo, parce qu’il me fait toujours penser aux mots "piquer" et "puce", secundo parce qu’il m’évoque aussi le petit cimetière privé du même nom, dans le douzième proche où sont enterrées les sœurs Diaconesse guillotinées pendant la commune et le célèbre Marie-Joseph Paul Yves Roch Gilbert du Motier, marquis de la Fayette (1757-1834) (1), héros aristocrate, général, homme politique, héros de la guerre d’indépendance américaine et personnalité de la révolution française. Dessous cette épigraphe et toujours dans le placard EDF, j’ai fixé un autre panneau émaillé, il s’agit d’une réclame pour le chocolat Meunier. En fait si cet objet est là c’est aussi par analogie, un hommage direct au défunt peintre du canal de l’Ourcq, Alfred Courmes (1898-1993). Cet artiste était tout comme moi, grand amateur de cette icône du XX e. siècle qu’est "la petite fille du Chocolat Meunier". L’auteur original en est Étienne Maurice Firmin Bouisset (1859-1925) (2), illustrateur, lithographe et affichiste français qui se fit connaître surtout pour ses affiches publicitaires, notamment la petite fille du chocolat Meunier mais aussi le petit écolier des biscuits. Le masque peint suspendu par-dessus cette pub, est en cuir, il a été rapporté du carnaval de Venise par une amie. Sans raison apparente, je l’ai accroché là, sur le cimier d’une parure Sénoufos, Côte d’Ivoire (3). Il s’agit d’une tête de Calao empaillée montée sur un tuteur en bois sculpté. Cet objet de rituel m’avait été donné en échange de je ne sais plus quoi par un brocanteur des puces de Saint Ouen. Sur ce masque de carnaval vénitien, j’ai bêtement fixé un faux nez en caoutchouc peint qui représente le bec d’un toucan. De toute façon avec raison ou pas, j’ai entendu dire qu’en matière de bec, il ne fallait jamais confondre le Calao avec le Toucan. Peut-être, qu’en cherchant bien, que toutes ces références aux oiseaux auraient fait aimer cette composition picturale à Max Ernst (1891-1976), peintre et sculpteur allemand, ami des Hopis (4), roi oiseau du surréalisme et qu’il me l’aurait sans euphémisme, volé, voir piqué aux puces. A mon grand regret, je n’ai jamais été au carnaval de Venise (5). Je connais sa grande histoire qui le fit naître durant la Renaissance. Je sais qu’il se déroule tous les ans vers le mois de février (les douze jours précédant le Mardi Gras). J’ai lu des textes relatifs à sa tradition inspirée par la "commedia dell’arte", avec le déguisement traditionnel en est la longue cape (tabarro), le masque blanc et le tricorne ou le masque d’arlequin (coloré à losanges) personnage type de la "commedia dell’arte" (6).

On m’a maintes fois racontée l’histoire de ces déguisements qui permettaient à tous les Vénitiens, quelles que soient leurs conditions sociales, de participer à la fête. Je sais aussi que comme toujours suite à des problèmes moraux facilement imaginables, le carnaval fut interdit durant de très nombreuses années. Je me souviens quand il est réapparu à la fin des années 1970. Aujourd’hui il est l’un des carnavals les plus célèbres du monde et je suis régulièrement son actualité à travers la presse. Durant ces quelques jours de fête, les touristes affluent en grand nombre à Venise, ses canaux, sa place Saint Marc, son Palais des doges, son palais Grassi, son pont du Rialto, ses basiliques, son Campo San Polo, son pont des soupirs, son Grand canal, ses îles, ses inondations... Ils sont toujours plus nombreux les bienheureux à venir au spectacle, volant, aux dires de certain, la vedette aux indigènes. Cet afflux c’est peut être un peu trop pour moi, j’appréhende, d’où une certaine réticence à me décider à y aller et y participer. « Un acteur masqué de plus, pourquoi faire ? » J’y pense !

« Cercare il pelo nell’uovo. » (Chercher la petite bête, littéralement : chercher le poil dans l’œuf, Proverbes italiens.)

Biensûr que j’ai été à Venise, hors du carnaval, quel est le peintre qui n’a pas désiré voir les oeuvres des vénitiens? Le Palais des Doges où l’on peut voir entre autre le Paradis et les "Quatre Allégories à la gloire des doges de Venise" de Jacopo Robusti dit Le Tintoret (1518-1594) (7), "L’Enlèvement d’Europe et le Triomphe de Venise" de Paolo Calian dit Véronèse (1528/1588) (8). La Galerie dell’Accademia où l’on peut voir le "Saint Georges" de Andrea Mantegna (1431-1506) (9), "La Présentation de Jésus au temple" et la "Légende de Sainte Ursule" de Vittore Carpaccio (1460-1526) (10), le "Saint Marc sauvant l’esclave" du Tintoret, "La Vierge entourée des saints", "La sainte famille", "La Bataille de Lépante", "Le repas chez Levi", "Le Mariage mystique de sainte Catherine", "La Minerve rendant hommage à Venise" et "Le Fléau des serpents" de Véronèse, "L’enlèvement d’Europe", "Les Adorateurs" et la "Découverte de la Vraie Croix" de Giambattista Tiepolo (1696-1770) (11), "La tempête" de Giorgio Barbarelli dit Giorgione (1477-1510) (12). J’ai visité aussi l’église San Zaccaria où l’on peut voir "La Vierge à l’enfant avec l’ange musicien" et le retable de "La Madone avec les saints" de Giovanni Bellini (1425-1433) (13); La Scuola di San Giorgio degli Schiavoni où l’on peut voir le "Saint George et le dragon", "Le Miracle de saint Tryphon", le "Saint Gérome conduit au monastère le lion blessé" et "La Vision de saint Augustin" de Vittore Carpaccio; L’église San Giacomo de l’Orio où l’on peut voir "La Madone et les saints" de Lorenzo Lotto (1480-1556) (14). A la scuola Grande de san Rocco (15), où l’on peut voir "La crucifixion" et les 56 compositions pour la décoration de san Rocco du Tintoret, "l’Ange secourant Hagar" de Tiepolo. J’ai admiré Le palais ducal où l’on peut voir "Ariane, Vénus et Bacchus" du Tintoret; L’Eglise San Sebastiano où l’on peut voir "Le couronnement de la Vierge", "Le martyre de saint Sébastien, Saint Marc et Saint Marcellin conduit au martyre" et la "Vierge en gloire avec saint Pierre et saint Paul" de Véronèse; Santi Apostoli où l’on peut voir "Chemin de croix Sant’Alvise" et la "Dernière communion de sainte Lucie" de ; sans oublier les lieux où l’on peut admirer des Tiziano Vecellio dit Le Titien (1490-1576) (16), Antonio Allegri dit Le Corrège (1489-1534) (17), Rosalba Carriera (1675-1757) (18), Giovanni Canal dit Canaletto (1697-1768) (19), Pietro Longhi (1701-1785) (20), Francesco Guardi (1712-1793) (21) ... Les gens qui on commandé et fait tous ces chef-d’oeuvres ont prit des risques énormes, risques économiques, intellectuels, artistiques et techniques. Les gens qui les visitent aujourd’hui, ne prennent aucun risque, les règles du jeu ont sûrement changé. La plupart des personnes sont averses au risque, et préfèrent les issues les plus sûres et n’accepteraient un risque supplémentaire que contre une espérance de gain plus important. Un exemple de cette aversion au risque peut être remarqué au cours de jeux télévisés. Si, par exemple, on propose aux candidats soit une chance sur trois d’avoir 50.000 € soit 10.000 € à coup sûr, beaucoup préféreront la garantie de changer leur ordinaire. Le revenu supplémentaire espéré qui est exigé pour compenser l’aversion au risque est appelé, en finance, la prime de risque. La souscription de polices d’assurance (là où ce n’est pas obligatoire) se justifie également par aversion au risque.

Jean-Bernard Pouchous - 2008.

Bibliographie :

-1- Gonzague Saint Bris, La Fayette, éd. SW-Télémaque, coll. Grands Doc, 2006.

-2- Patrick Lefèvre-Utile, Lu, l'art du biscuit, éd. Hazan, coll. Beaux Livres, 2003.

-3- Holas B., Sénoufos Y Compris les Minianka, éd. L’Harmattan, 2006.

-4- Frank Waters, Le livre du Hopi, Editions du Rocher, coll. Nuage rouge, 1992.

-5- Robert de Laroche, Venise: Caranaval secret, éd. La Renaissance du livre, coll. Les beaux livres du patrimoine, 2002.

-6- Michèle Clavilier, D Jean Anglade, Commedia dell’arte: le jeu masqué, éd. PUG, coll. Theatrum mundi, étude, 2005.

-7- Sylvie Bequin, Pierluigi de Vecchi, Tout l’oeuvre peinte de Tintoret, éd. Flammarion, coll. Les Classiques de l’Art, 1997.

-8- Morena Costantini, Véronèse, Editions Gallimard, coll. Découverte, 2004.

-9- Joseph Manca et Elisa Simonot-Kahan, Andrea Mantegna et la renaissance italienne, éd. Parkstone, coll. Temporis, 2006.

-10- Vittorio Sgarbi, Carpaccio, éd. liana Levin, coll. Art, 2006.

-11- Filippo Pedrocco, Giambattista Tiepolo, éd. Flammarion, 2002.

-12- Lucco Mauro, Giorgione, éd. Gallimard, 1997.

-13- Anchise Tempestini, Giovanni Bellini, éd. Gallimard, coll. Maîtres de l’Art, 2000.

-14- Jean-Pierre Cuzin, Jean Habert, Lorenzo Lotto: 1480-1557, éd. RMN, 1997.

-15-Giandomenico Romanelli, Tintoret: la scuola grande di San Rocco, éd. Gallimard, coll. Chefs Oeuvre Art, 1995.

-16- Phillips Claude Sir, Titien, éd. Parkstone Inter, coll. Temporis, 2008.

-17- Marguerite Albana, Le Corrrčge, sa vie et son oeuvre, éd. Adamant Media Corporation, 2001.

-18- Bernardina Sani, Rosalba Carrier, Catalogue Raisonn, éd. Umberto Allemandi & C., 2007.

-19- Uzanne Octave, Canaletto éd. Parkstone Inter, coll. Temporis, 2008.

-20- Busetto G., Pietro Longhi, Gabriel Bella: Scene di vita veneziana, éd. Bompiani, Milano, 1995.

-21- Dario Succi, traduction Andrana Cavaletti, Francesco Guardi, Itinéraire d’une aventure Artistique, éd. Anthèse, 1995.

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