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EXORCISME


"L'Orée du bois", 1973, "Accident", 1973, "Déguster ses mauvaises pensées", 1973, gouache sur carton, "Robin", 1973, Gouache sur carton, 64 x 48 cm.

« Le couteau trop aiguisé déchire sa gaine. » Proverbe africain.


Exorcisme.

Les gouaches intitulées "L’Orée du bois", "Accident", "Déguster ses mauvaises pensées", "Robin", sont l’expression d’une forme d’introspection, d’exutoire, d’exorcisme, de mise au point nécessaire à la digestion du vécu intime que je venais de traverser dans ces années là.

Je me rappelle qu’en 1974, au cours d’un "break" chez Hourdé, je me suis mis à réaliser cette série à l’exécution très jetée et totalement spontanée.

Nous travaillions souvent sur des cartons que nous ramenions de nos tournées nocturnes de marchand de journaux à la criée. Ce "job" nous aidait à financer nos études.

Aux Beaux-Arts de Paris les élèves évoquaient entre eux le fait de pondre une oeuvre comme l’action d’une "poule aux oeufs d’or", pour évoquer la création d’un "bel ouvrage" et de "chier une merde" pour évoquer un résultat désastreux. Mais ce que ces deux expressions avaient de commun c’était d’évoquer l’effort à fournir pour expulser l’objet de sa créativité, pour concrétiser un désir, matérialiser une idée. Mettre au jour, mettre au monde, pondre une oeuvre, voila bien des analogies à la gestation féminine et aux douleurs de l’accouchement.

Nous sortons tous, futurs créateurs et créatrices d’un même moule, d’une même délivrance. A quand l’anesthésie péridurale pour faciliter l’enfantement de toute création artistique sans douleur ? Accepter cette finitude, accepter d’être venu au monde en y étant pour rien et pour y mourir, c’est dur, çà fait peur et c’est très angoissant, surtout quand on est jeune homme en âge de reproduire cette fin en soi et que l’on craint de "tué dans l’ œuf" ce désir d’éclore dans l’univers de l’expression de soi. Mais la recette est bonne! Acceptons cette poule aux œufs d’or.

« L’Oeuf a-t-il une âme ? Nous l’espérons. Si les anti-abortionnistes le consomment sans vergogne, c’est probablement qu’ils nient aux animaux pondeurs le droit d’en posséder une. Il est pourtant agréable au centre gastronomique du cerveau d’imaginer qu’on absorbe avec l’ œuf le principe même de la vie animale, enfermé dans un petit volume. Et l’on se prend à regretter que seuls les oiseaux (avec les monotrèmes, les insectes, les reptiles modernes, les mollusques, etc...) pondent encore leurs œufs à l’air libre, échappant ainsi à cette bizarre intériorisation de l’incubation qu’est la viviparité, qui rend inaccessible à l’éventuel amateur (et c’est probablement sa raison d’être) l’ œuf d’éléphante, de pygmée ou de tigresse... L’ œuf est net, lisse, arrondi, essentiel, pur et mystérieux: c’est à bord de sa coquille que la sorcière traverse la mer, les augures romains du début de notre ère devinaient grâce à lui le sexe des enfants à venir, le magicien et le navigateur intrépide l’ont toujours utilisé pour épater leur prochain. En outre, l’ œuf, bien souvent, est bon à manger. » Joseph Rocaille (1).

Esculape chez les romains ou Asclépios pour les Grecs est un dieu, née sur le mont Titthion près d’Epidaure, dans le Péloponnèse (2). Il sortit d’un œuf de corneille sous la figure d’un serpent. Le coq, le serpent et la tortue, symboles de la vigilance et de la prudence nécessaire aux médecins, lui étaient spécialement consacrés. On nourrissait des couleuvres privées dans le temple d’Épidaure, et l’on prétendait même que c’était sous cette figure qu’il se laissait voir. Sous la forme de statues, Esculape est le plus souvent représenté sous les traits d’un homme grave, barbu. Il portait une couronne de laurier, tenait d’une main une patère et de l’autre un bâton entortillé d’un serpent. Il est "le thérapeute", il soigne; son but est d’aider le malade à guérir. Sa science repose sur l’étude du corps humain, de son fonctionnement normal (physiologique), ainsi que la conservation de la santé (prophylaxie), des dysfonctionnements (pathologie) et enfin des divers moyens pour obtenir le rétablissement de la santé (thérapie).

«...l’homme malade n’est pas seulement un problème physiologique à résoudre, il est surtout une détresse à secourir. » Georges Canguilhem (1904-1995) (3) philosophe et épistémologue français.

La thérapie de la psyché s’appelle psychothérapie. Elle est constituée d’un ensemble de pratiques nées à la fin du XIX e. siècle issues de l’hypnose puis de la psychanalyse. Il s’agit de traiter les souffrances psychiques dans le cadre d’une relation à un psychothérapeute.

« Je jure par Apollon, médecin, par Esculape, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l’engagement... » Extrait du Serment d’Hippocrate (IVe. s. av. J.-C.), traduction par Émile Maximilien Paul Littré (1801-1881) (4).

L’hypnose est un état modifié de conscience ainsi que les techniques permettant de créer cet état. L’histoire de l’hypnose dépasse de beaucoup celle de la psychothérapie. Cette vieille pratique a toujours négocié avec les frontières : sciences, occultisme, spectacle, thérapie, etc. si bien que son utilisation dans un cadre thérapeutique a toujours été source de controverses, sans doute parce que la thérapeutique elle-même est prise dans ce même jeu des frontières : entre thérapeutiques officielles "scientifiques", thérapeutiques traditionnelles, thérapeutiques spirituelles, etc.

« L’hypnose offre tant au patient qu’au thérapeute un accès aisé à l’esprit inconscient du patient. Elle permet de s’occuper directement de ces forces inconscientes qui sont sous-jacentes aux perturbations de la personnalité, et elle autorise l’identification de ces éléments de l’expérience de vie d’un individu qui ont de l’importance pour la personnalité et auxquels on doit accorder toute l’attention requise si l’on souhaite obtenir des résultats thérapeutiques. Seule l’hypnose peut donner un accès aisé, rapide et large à l’inconscient, inconscient que l’histoire de la psychothérapie a montré être d’une telle importance dans le traitement des désordres aigus de la personnalité. » Milton Erickson (1901-1980), psychiatre américain (5).

Rutebeuf (1230-1285) (6),

"Griesche d’Hiver" :

Que sont mes amis devenus

Que j’avais de si près tenus

Et tant aimés

Ils ont été trop clairsemés

Je crois le vent les a ôtés

L’amour est morte

Ce sont amis que vent me porte

Avec le temps qu’arbre défeuille

Quand il ne reste en branche feuille

Qui n’aille à terre

Avec pauvreté qui m’atterre

Qui de partout me fait la guerre

Au temps d’hiver

Ne convient pas que vous raconte

Comment je me suis mis à honte

En quelle manière

Que sont mes amis devenus

Que j’avais de si près tenus

Et tant aimés

Ils ont été trop clairsemés

Je crois le vent les a ôtés

L’amour est morte

Le mal ne sait pas seul venir

Tout ce qui m’était à venir

M’es tadevenu

Pauvre sens et pauvre mémoire

M’a Dieu donné, le roi de gloire

Et pauvre rente

Et droit au cul quand bise vente

Le vent me vient, le vent m’évente

L’amour est morte

Ce sont amis que vent emporte

Et il ventait devant ma porte

Les emporta

Jean-Bernard Pouchous - 2007.

Bibliographie :

-1- Joseph Rocaille, L’oeuf, dix façons de le préparer, éd. Imprimerie Quotidienne, coll. Le Couteau dans la Plaie, 1981.

-2- Maurice Tubiana, Les chemins d’Esculape, histoire de la pensée médicale, éd. Flammarion, coll. Documents, 1998.

-3- Georges Canguilhem, La connaissance de la vie, éd. Vrin, coll. Bobliothèque des textes philosophiques, 2000.

-4- Émile Littré, Jouanna Jacques, Hippocrate, La consultation, éd. Hermann, 1986.

-5- Milton Erickson, , Ernest Lawrence Rossi, Sheila I. Rossi, traduction Cécile Brédelet, Le traité pratique de l’hypnose, La suggestion indirecte en hypnose clinique, éd. Jacques Grancher, coll. le corps et l’esprit, 2006..

-6- Rutebeuf, Oeuvres complètes, éd. LGF, coll. Lettres gothiques, 2001.

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