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EROS, PHILOS ET AGAPE


"Répartition des zones érogènes tout au long de l’histoire d’un photo-roman", pl. 6/18, 1974, collage, crayon, stylo bille, gouache sur papier arche, 62,5 x 78 cm.

« Vous, doctes a la haute et profonde science,

Vous qui devinez et qui savez

Comment, où et quand tout s’unit,

Pourquoi tout s’aime et se caresse;

Vous, grands savants, instruisez-moi !

Découvrez-moi ce que j’ai là,

Découvrez-moi où, comment, quand

Et pourquoi pareille chose m’arriva. »

Gottfried August Bürger (1747-1794), poète lyrique allemand plus connu pour l’écriture des "Aventures du Baron de Münchhausen" (1)


Éros, Philos et agapê.

Les histoires d’amour étant la grande affaire de la vie et souvent la seule pour une grande masse de gens, elles sont toujours adressées à un auditoire en âge de procréer. Ces histoires se veulent avant tout complaisantes et séduisantes et ne concernent que les mœurs et les jeux amoureux de "ces gens là". Loin d’une éducation sexuelle scolaire, néo-scientifique et super distante, toute une presse générationnelle spécialisée se charge de ce travail d’incitation aux rapports sexuels hétérosexuels parfait à la portée de tous. Ces auteurs jouent avec plus ou moins de talent sur les paramètres socioculturels, socio-économiques et psychosociologiques souvent antagonistes. Sans cesse, les protagonistes, j’ai envie de dire les "antagonistes", s’affrontent le long de scénarii linéaires bêtifiants où l’héroïne et le héros parade conformément aux idées reçues. Ces nouvelles, propres à inspirer des séries de "série B" (2) se vendent en grands tirages dans la rue, dans les gares, grandes surfaces, kiosques et bazar-papeterie-tabac-presse, comme des "petits pains". Quelle soit "à l’eau de rose", "fleur bleue" ou coquine, cette littérature mise en scène de façon dramatique par Gustave Flaubert (1821-1880), dans "Madame Bovary" (1857) (3), tourne toujours autour du même sujet: une "quête amoureuse idéale". Les best-sellers du genre sont souvent des chefs-d’oeuvre de poncifs et autres lieux communs et les personnages suffisamment fades pour favoriser l’identification de n’importe qui. Le public ciblé est, tout à la fois, solvable, poli, suffisamment équilibré... Pour susciter l’achat, l’imagerie de couverture évoque le "sexe apeal" d’acteurs, aux physiques toujours accessibles, presque de proximité, tout au moins à la portée du tout un chacun, au goût du jour, de façon à plaire à presque tout le monde, confortant chacun dans l’idée que l’univers est bien stéréotypé. Le lectorat, une fois accroché, consomme ces publications à répétition, sous forme de périodiques dans lesquels ils suivent de page en page, toutes sortes d’aventure à travers un même feuilleton. Comme nous vivons dans un monde d’images photographiques et de caractères typographiques agencés de façon de moins en moins littéraire, où la normalité soigne son image, il s’est développé depuis la moitié du XX e. siècle tout un genre narratif mélangeant textes et images appelé "Photo-roman" (4). Le plus souvent ces discours de photos agrémentés de textes sont disposés dans une forme de case graphique illustrée de phylactères, pour attribuer des paroles aux différents personnages. Les titres les plus connus où paraissent ces "sentimentalonnades" pour filles sont "Nous Deux", "Lancio" ou "Girls" en France et "Grand Hôtel" en Italie, reflets des années méchamment révolutionnaires des sixteen. C’est justement dans ces années 60-70 de libération sexuelle effrénée que je mets en expérimentation artistique "le photo-roman". J’achète alors quelques spécimens originaux dont j’étudie le contenu à la lumière des dernières explorations théoriques de la sensibilité sexuelle à fleur de peau de chacun de nous.

Vous me direz que c’est bien superficiel tout çà ! Je vous répondrais de façon épidermique que je m’en fous!

Dans cette étude je mis au point un procédé de marquage graphique pour isoler d’une façon ordonnée, la répartition des zones érogènes lors du déplacement des personnages dans l’espace narratif de la mise en page. J’ai donc arrêté avec mes collaborateurs de l’époque une codification arbitraire pour l’appliquer à tous types de test sur quelques échantillons.

Codes pour les zones érogènes féminines: Triangle isosel noir (zone du carcan des passions) pour la zone de la tête, des épaules et de la poitrine. Vert pour la zone de la tête. Jaune pour zone des épaules, des bras et des mains. Rose pour la zone des seins. Blanc entouré d’un trait rouge (Cible) pour la zone vulvaire. Bleu pour la zone du pubis, des fesses, cuisses, jambes et pieds.

Codes pour les zones érogènes hommes : Noir pour la zone de la tête; Blanc pour la zone du corps.

Premières constatations: Le nombres de zones découvertes par les hommes sur les hommes est nettement inférieur à celui que ces messieurs scientifiques ont découvert sur le corps des femmes testées.

Deuxième constatations: Pourquoi la zone du sexe masculin à été volontairement écarté de toute codification ?

Troisième constatation: Pourquoi toutes les zones érogènes sont orientées vers l’objectif de prise de vue?

Conclusion: Nous sommes dans un univers mécanique proche du moteur à explosion où à chaque tour de bielle, l’allumage des pistons est érogène. Je touchais enfin du doigt aux objectifs que je m’étais imposé!

Jean-Bernard Pouchous - 2009.

Bibliographie :

-1- Gottfried August Bürger, trad. Théophile Gautier Fils, Aventures du Baron de Münchhausen, éd. José Corti, 1998.

-2- Charles Tesson, La série B, éd. Cahiers du Cinéma, coll. Albums, 1997.

-3- Gustave Flaubert, Madame Bovary, éd. Gallimard, coll. Folio, 2001.

-4- Umberto Serra, Voyage au coeur du Roman Photo, éd. Indes Savantes, coll. Rivages des Xan, 2009.

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