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10-A 10 KM


"A 10 km.", 2006, acrylique sur toile, 80 x 40 cm.

« Vivre pour manger » et « Manger pour vivre » Phrase anacyclique (1).


Expo., ciné. et pub.

Dans cette peinture intitulée "A 10 km.", les images originales du jambon et des produits laitiers proviennent de vieux magazines de tricot des années 60, récupérés dans le grenier de mes beaux-parents. Elles symbolisent la faim.

Le panneau de signalisation autoroutière porte l’indication d’un motel à 10 km. Il provient d’une photo prise en revenant de Lyon où j’exposais à "Traboule 91", la galerie lyonnaise de deux artistes Robert Achoury et Marie Vidon en Juin/juillet 1977. Parallèlement, aux même dates, avec les artistes Daniel Hourdé et Pierre Minot nous exposions au Musée de Villefranche sur Saône. Nous avions loué à compte d’auteur, une camionnette pour l’aller/retour Paris/Lyon, afin d’assurer la livraison des oeuvres et une autre pour les rapatrier sur Paris. Tout le long du trajet je photographiais l’autoroute avec mon reflex 24/36. L’équipement et la signalisation autoroutier étaient tous neufs, datant de 1975 le modernisme de la SAPRR (Société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône) nous amusait beaucoup. Au dernier retour à Paris nous étions tellement fatigués que chaque panneau représentant un lit (motel) nous incitait à des digressions disgracieuses sur la relativité de la notion d’espace et de temps jusqu’à un sommeil réparateur. 10 km représente, à 130 km./h., 4 minutes de trajet. A pied (avec un pas d’environ un mètre) cela demande 2 heures de marche, etc…

Une fois cette mission culturelle entièrement autofinancée, autogérée et automobile accomplie, nous avons mangé, bu et dormi comme jamais. Le lendemain matin, nous avons lu la presse locale.

(voir article de presse B – Peintures-Carcans. )

Pensant aujourd’hui à toute cette énergie déployée pour s’affirmer artistiquement dans ce monde de brute, il me vient à l’esprit que :

En premier : « Mais dis-moi laitier, ton lait va tourner ! », apostrophe auquel le laitier en question, pris sur un rond-point ne donnant que sur des sens interdits, répond par « T’en fais pas, je fais mon beurre. » de Raymond Devos (1922-2006) (2).

En second : « Je la lie, je la fouette, et parfois elle passe à la casserole. », slogan publicitaire qu’une marque de produits laitiers utilisait comme publicité pour la crème fraîche "Babette".

Et en troisième : « La pornographie, c’est l’érotisme des autres. », phrase attribuée à André Breton.

Avec le recul des ans le référent absolu en matière de "boire, manger, dormir et…" de cette peinture "A 10 km", serait bien sûr : "La Grande Bouffe" (1978) (3), film franco-italien, scénario de Marco Ferreri (1928-1997) (4), Rafael Azcona (1926-2008) et avec des dialogues Francis Blanche (1921-1974) (5). A la sortie d’une séance du film en salle à Saint-Germain des prés, je me souviens encore, comme si c’était hier du commentaire "bachelardien" que l’artiste Jean Clareboudt (1944-1997) (6), m’en avait fait alors.

Résumé : Quatre amis, Marcello Mastroianni (1924-1996) (7), dans le rôle de Marcello un pilote de ligne, AIR (8), accro aux filles, Ugo Tognazzi (1922-1990), dans le rôle de Ugo un restaurateur, FEU (9), accro à la bouffe, Michel Piccoli (1925-…) (10), dans le rôle de Michel un réalisateur de télévision, EAU (11), accro à l’image et Philippe Noiret (1930-2006) (12), dans le rôle de Philippe, un juge, TERRE (13) vivant incestueusement avec sa nourrice, accro à la loi. Nos quatre acolytes se réunissent lors d’un week-end dans une villa bourgeoise entourée d’un parc clos (temple). Ils ont décidé de se livrer à un suicide collectif gastronomique. Ugo se charge de la confection des plats (mort charnelle) tandis que Marcello fait venir des prostituées pour s’envoyer en l’air (mort sexuelle). Toutefois, effrayées par la tournure que prennent les événements (mort matérielle), celles-ci s’enfuient au petit matin et seule reste une institutrice Andréa (Nourriture spirituelle) jouée par Andréa Férréol (1947-…) (14). Fascinée par l’entreprise suicidaire des protagonistes, elle fera office de substitut maternel (Grande Prêtresse) et les amènera à réaliser leur mort dans l’ordre des 4 éléments l’eau, le feu, l’air et la terre, psychanalysés par Gaston Bachelard (1884-1962) (15), d’une façon sacrée comme pratiquée dans le Tantrisme (16). Le film fut très controversé. Se posant comme une critique de la société de consommation naissante, il fit scandale au Festival de Cannes en 1973.

« La rêverie a quatre domaines, quatre pointes par lesquelles elle s'élance dans l'espace infini. Pour forcer le secret d'un vrai poète (…), un mot suffit : « Dis-moi quel est ton fantôme ? Est-ce le Gnome, la salamandre, l’ondine ou la sylphide ? » Bachelard dans "La Psychanalyse du feu".

Hué lors de la présentation du film, Philippe Noiret répondit aux critiques: « Nous tendions un miroir aux gens et ils n’ont pas aimé se voir dedans. C’est révélateur d’une grande connerie.»

Gloup! Gloup! Marco Ferreri, fut une des premières cibles de Noël Godin (1945-…), surnommé Georges le Gloupier (17), qui c’est rendu célèbre pour ses jets de tarte à la crème ou entartrages sur de nombreuses personnalités comme notamment : Bernard-Henri Lévy (1948-…), dit BHL ou New Phil : « Entartons, entartons les pompeux cornichons ! », Doc Gynéco de son vrai nom Bruno Beausir (1974-…) : « Entartons, entartons les sarkochiants couillons! » ou Jean-Pierre Chevènement (1939/1980), premier ministre de la défense français à avoir démissionné pour une guerre de trop. Autre action tout aussi spectaculaire et sans vergogne, le 27 Juin 2006, premier procès du "Collectif des Déboulonnements" à Montpellier. Les deux prévenus, Jean-François Lenoir et Geoffroy Maguet, écopent d’une peine de 200 euros d’amende avec sursis pour avoir inscrit le message "légitime réponse" sur un panneau publicitaire.

Le terme "antipub" (18), ou "mouvement antipub", raccourci pour anti-publicitaire, est devenu une appellation médiatisée en France après des actions spectaculaires à l’encontre de l’affichage publicitaire dans le métro parisien en automne 2003 (19).

Revenons en 1967, la publicité fait son entrée à la télévision française publique sous les applaudissements du pouvoir de l’époque le président Georges Pompidou (1911-1974) (20). En 2007, le chef de l’état de la même république et du même courant politique, veut enlever cette même publicité sur les écrans du même service public au grand damne des fonctionnaires en charge des contenus audiovisuels. Ces derniers se targuent en effet, de faire un nivellement par le haut au-delà de l’audimat avec cette manne publicitaire pour que les masses populaires des téléspectateurs qui payent leur redevance audiovisuelle acceptent que ce ne soit pas suffisant.

En mai 1971, dans la revue "Planète" consacrée à l’Internationale situationniste (21), le journaliste Pierre Hahn écrit : « Ce sont eux qui « piratent » la publicité en la surchargeant de graffitis, ce sont eux qui savent rire de toutes les révolutions, de toutes les récupérations, (...) ce sont eux toujours qui affirment : Nous avons fondé notre cause sur presque rien : l’insatisfaction et le désir irréductible à propos de la vie ».

« Le coupable est celui à qui le crime profite. » Sénèque (-4-65) (22).

Jean-Bernard Pouchous - 2009.

Bibliographie :

-1- Edouard André, Vers anacyclique, éd. Imprimerie de Daupeley-Gouverneur, 1892.

-2- Raymond Devos, Rêvons de mots, éd. LGF, coll. Le Livre de Poche, 2009.

-3- Gérard Pangon, Jean-François Rauger, La Grande Bouffe, éd. Arte, coll. Les années festival Cinquante ans de cinéma 1946/1997, 1997.

-4- Michel Mahéo, Marco Ferreri, éd. Edilig, 1986.

-5- Francis Blanche, Albert Algoud, Signé Francis Blanche, éd. Le Castor Astral, coll. Littérature moderne, 2007.

-6-Jean Clareboudt, Jean Clareboudt : 18 juin-1er septembre 1986, Musée Rodin, Paris, éd. Musée Rodin, 1986.

-7-Hochkfler Matil, Marcello Mastroianni, éd. Gremese International, coll. Cinéma, 1996.

-8-Gaston Bachelard, L'air et les songes : essai sur l'imagination du mouvement, éd. LGF, coll. Livre de poche, 1992.

-9-Gaston Bachelard, La psychanalyse du feu, éd. Gallimard, coll. Folio, 1985.

-10- Robert Chazal, Michel Piccoli : le provocateur, éd. France Empire, 1991.

-11- Gaston Bachelard, L'eau et les rêves : Essai sur l'imagination de la matière, éd. LGF, coll. Livre de poche, 1993.

-12- Philippe Noiret, Antoine de Meaux, Mémoire cavalière, éd. LGF, coll. Livre de poche, 2008.

-13- Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries du repos, éd. European Schoolbooks, coll. Les Massicotés, 2004.

-14- Andréa Ferreol, Aix en Provence Passion du Beau, éd. Cres, 2004.

-15- Gaston Bachelard, La poétique de l'espace, éd. PUF, coll. Quadrige Grands textes, 2009.

-16- Jean Varenne, Le Tantrisme, mythes, rites, métaphysique, éd. Albin Michel, coll. Spiritualité vivantes, 1997.

-17- Noël Godin, Entartons, entartons les pompeux cornichons, éd. Flammarion, coll. Docs témoignage, 2005.

-18- Paul Aries, Démarques-toi, Petit manuel anti-pub, éd. Galias, 2004.

-19- Sébastien Darsy, Le temps de l’antipub, L’emprise de la publicité et ceux qui la combattent, éd. Acres Sud, coll. Essais Sciences, 2005.

-20- Georges Pompidou, Anthologie de la poésie française, éd. LGF, coll. Livre de poche, 1974.

-21- T. J. Clark, Donald Nicholson-Smith, Pourquoi l'art ne peut pas tuer l'internationale situationniste, éd. Egrégores, coll. Petite bibliothèque en mal d'aurore, 2006.

-22- Pierre Pellegrin, trad. José Kany-Turpin, Sénèque, La Vie heureuse, La Brièveté de la vie, éd. Flammarion, 2005.

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