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9-TENORIO 04


"Tenorio 04", 2006, acrylique sur toile, 80 x 40 cm.

« La conscience vaut mille témoins. » Marcus Fabius Quintilianus dit Quintilien (35-95) (1), rhéteur et pédagogue.


Ensorcellement.

La composition de cette peinture intitulée "Tenorio 04", a été inspirée par une boite de sardine portugaise de la marque "TENORIO". Le Pompon rouge a été acheté aux BHV (Bazard de l’Hôtel de Ville, Paris) en même temps que les passementeries de la maison. Le Lapin rose et jaune fait partie d’une petite collection de jouet mécanique qui traîne sur les étagères de la bibliothèque. Il a depuis longtemps perdu la clef qui permet de remonter son moteur à ressort de façon qu’il puisse se déplacer par bonds successifs sur ses pattes arrière. Notre animal sait que le chiffre "quatre" ne prend jamais de "s" final sauf dans l’expression "entre quatre yeux". 04 était le numéro de rue de mon atelier quand cette toile a été peinte. Chaque nombre est émaillé en blanc sur fond bleu outremer foncé. Le fond de l’œuvre est constitué d’un support laqué rouge servant normalement à suspendre verticalement cuillères, fourchettes et couteaux et qui est là couché sur le tissu d’une traverse de table tissée en coton rouge rayée d’une bande d’orange et jaune. Au 04, le "pompon" ce n’est pas le personnage en noir et blanc se détachant sur un médaillon ovale rouge imprimé sur la boite de sardine jaune. C’est une "chose" et non un homme en chair et en os comme l’est ce personnage portant fièrement la cinquantaine, âge de la reconnaissance s’il en est. Il arbore de magnifiques bacchantes grisonnantes, les cheveux sont peignés en arrière, lisses, brillants et gominés, il porte avec élégance le veston, le col blanc et la cravate. Senhor "TENORIO" doit être soit l’armateur ou le capitaine d’un sardinier portugais à taillevent (a), il peut tout à la fois être aussi un célèbre ténor ou baryton de l’Opéra de Lisbonne. Quel homme ! Tout le contraire du guai "Jeannot lapin" qui vêtu de rose a perdu la clef des champs. Clef qui lui serait bien nécessaire pour lui remonter le moral et lui donner le ressort indispensable pour dévorer le contenu de cette boite qui, quoi qu’on en dise, reste à ouvrir. Impuissant, il ne peut que rêver au précoce Speedy Rabbit qui ronge à toute vitesse, son frein, sa carotte, mais pas le bon poisson de la boite de conserve aux armes de la maturité virile. Ce n’est pas pour lui ! Mangez des sardines les petits garçons, çà rend fort, courageux et puissant comme Monsieur Ténorio. Allez prenez le manège de la vie et quand viendra votre tour, d’un coup, vous serez assez grand pour attraper à chaque tour, le pompon rouge (b), gagnez, gagnez le gros lot ... « Allez… Allez… Tournez… Tournez…Tournez manège, tournez petits bolides… roulez jeunesse… »

(a) « Chacun peut gouverner lorsque la mer est belle. » Publius Syrus (-85 à -43).

(b) Il est bien entendu que dans cette peinture, le pompon rouge symbolise en fait un ouvre boite.

Cette peinture, est l’œuvre d’un artiste qui venait de fêter son cinquantenaire. Je ne pensais jamais arriver à vivre si vieux, car depuis tout petit, sur ma tête d’artiste "cultureux" oscillait une "épée de Damoclès". Une sorte de fait accomplie, le présage d’une mort prématuré à l’image des grands héros occidentaux qui ont tout sacrifier à leur idéal. Le leitmotive était que tout était jouer avant 33 ans comme pour Alexandre le Grand (-356 à -323) (2), tout comme Jésus Christ (-33 à 0) (3), ou Thédore Géricault (1791-1824) (4), etc. Dans le cas d’Arthur Rimbaud (1854/1891), poète, marchand d’armes et dessinateur (5), mort à 37 ans, peut-on dire qu’il est mort vieux? Oui et non car il a abandonné le monde de la littérature en 1875, c’est à dire que toute son oeuvre à été produite avant 21 ans, un record dans ce panthéon de "djeuns" !

Il n’y pas d’âge pour l’invention du monde : « Qu’est-ce qu’inventer un monde ? Pourquoi certains êtres ont-ils ce talent de générer autour d’eux un monde, d’en inventer la langue, la matière, de provoquer la présence, l’ici et maintenant d’une œuvre ? Ceux ou celles que nous appelons « artistes » ou « créateurs » entretiennent avec le monde un rapport d’amour-haine qui les conduit à s’y confronter violemment, directement, sans prendre le détour d’un langage soumis aux conventions d’une grammaire imposée, sans se soumettre aux codes qui formatent notre imaginaire dès notre naissance, dont le langage n’est plus susceptible d’être désigné comme un paradigme mais plutôt cherché dans la quotidienneté même de l’expérience de la vie et de la mort. Ce n’est pas l’image caricaturale de « l’artiste contre le monde» à laquelle je veux souscrire ici, mais interroger néanmoins ce combat qui arme quelques-uns, dès l’enfance, contre la langue maternelle et qui les conduit à trouver ailleurs, en eux, les raisons d’exister. » Anne Dufourmantelle (1964-…) dans "La Sauvagerie maternelle" (6).

Le langage visuel et plastique n’est pas fait de langage maternel, il en est ensorcelé.

Vivre, c’est être fasciné, ensorcelé, possédé par les autres. L’homme serait le seul animal capable d’échapper à la condition animale.

L‘ensorcellement apparaît dès les premières minutes après la naissance, quand le tout nouveau-né tète les capteurs sensoriels auxquels il est le plus sensible (7).

L’étiquette d’existant pourrait ainsi nous être attribuée et collée quelque part sur notre anatomie. Le monde dépasse la simple conscience que l’on peut en avoir, c’est du reste parce que le phénomène ne se montre pas d’emblée qu’il faut une description qui débusque les choses, non derrière le visible, mais en lui.

Selon Platon (8), il existerait dans la nature une image de chaque chose que le Créateur utiliserait pour façonner la chose en question. Par exemple, il dit qu’il existe l’image d’un cheval dans la nature, sur laquelle on peut se fonder pour créer et reconnaître toujours un cheval. Or les choses existent d’abord et c’est seulement ensuite, si elles ont la capacité de penser, qu’elles créent des concepts tels que le sont les concepts "monde", "homme", "chose" ou "animal" .

« Demandez nos exquis mots » Calembour de Patrice Delbourg (1949-…) (9).

Jean-Bernard Pouchous - 2009.

Bibliographie :

-1- Cristine Garcia, Vivre au temps des romains, Cicéron, Horace, Juvénal, Catulle, Salluste, Tacite, Pétrone, Quintilien, éd. Flammarion, coll. Etonnants classiques Anthologies, 2004.

-2- Jacques Benoist-Mechin, Alexandre le Grand : Ou le rêve dépassé (356-323 av JC), éd. Librairie Académique Perrin, coll. Tempus, 2009.

-3- Yvette Chabert, Roger Philibert, Jésus-Christ, éd. De l'Atelier, coll. Tout simplement, 1991.

-4- Martial Guédron, La Plaie et le couteau. La Sensibilité de Théodore Géricault (1791-1824), éd. Kimé, 1997.

-5- Jean-Jacques Lefrère, Les dessins d'Arthur Rimbaud, éd. Flammarion, coll. Livre Art, 2009.

-6- Anne Dufourmantelle, La Sauvagerie maternelle, éd. Calmann-Lévy, 2001.

-7- Boris Cyrulnik, L’Ensorcellement du monde, éd. Odile Jacob, 2001.

-8- Platon, Monique Dixsaut, Phédon, éd. Flammarion, coll. Garnier Philosophie, 1999.

-9- Patrice Delbourg, Le petit livre des exquis mots, éd. Le Cherche Midi, 2008.

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