EPICURE
A-01-3- "Epicure", 2010, acrylique sur toile, 35 x 24 cm.
« La mort n’est éprouvée ni par les vivants ni par les morts. » Épicure (1).
A-01-3- Pharmacon.
La peinture intitulée " Epicure " a été peinte d’après " Epikouros " une copie romaine en marbre d'un original hellénistique de la fin du IIIe. ou du début du IIe. siècle av. J.-C., aujourd’hui disparu. L’œuvre est actuellement exposée au British Museum de Londres, Engleterre.
Épicure (342-270 av. J.-C.) est originaire de Samos, il commence en 327 des études de philosophie à Téos sous la direction de Nausiphane (démocritéen). En 323, il se rend à Athènes où il suit, à l'Académie les leçons de Xénocrate. En 310, il fonde une école de philosophie à Mytilène qu'il transfère ensuite à Lampsaque, puis en 307-306 à Athènes. Cette école, "le jardin" est une communauté philosophique : on y célèbre les fêtes du maître et des disciples, car les hommes donnent leur nom à ces fêtes et ont remplacé les dieux. Hommes, femmes, enfants, citoyens et esclaves cultivent, dans le Jardin, les plaisirs sobres (le plaisir est en soi un bien) et l'amitié. La philosophie d'Epicure comporte trois parties : la canonique qui expose les règles du vrai, la physique qui propose une explication des phénomènes de la nature et enfin la morale qui traite des conditions de la vie heureuse. L'ordre de ces trois parties est fondamental : il correspond au système d'Epicure. L'éthique, en tant qu'elle définit la vie heureuse est le but de la philosophie, dont la physique est la base, elle donne grâce à la canonique la connaissance de la nature qui permet au sage d'être heureux.
L'éthique d'Épicure est une philosophie d'équilibre, fondée sur l'idée que toute action entraîne à la fois des effets plaisants (positifs) et des effets amenant la souffrance (négatifs). L'épicurien agit sobrement en recherchant les actions amenant l'absence de douleur, d'où doit découler le plaisir négatif de cet état de repos (ataraxie), dont la pleine conscience procure le plaisir suprême. La clef du bonheur est de connaître ses propres limites ; c'est pourquoi l'excès doit être évité car il apporte la souffrance. La vie selon le plaisir est cependant une vie de prudence, de vertu et de justice.
Épicure classe ainsi les désirs en Désirs naturels : 1- Les désirs Nécessaires avec : A Pour le bonheur (ataraxie), B Pour la tranquillité du corps (aponie), C Pour la vie (nourriture, sommeil). 2- Les désirs Simplement naturels il y a la Variation des plaisirs, la recherche de l'agréable. Et en Désirs vains : 1- Les désirs Artificiels Ex : richesse, gloire. 2- Les désirs Irréalisables Ex : désir d'immortalité. Mais, pour le calcul des plaisirs, tout plaisir n'est pas digne d'être choisi : le plus grand des plaisirs est la suppression de toute douleur.
Épicure fait également la distinction entre les plaisirs mobiles et les plaisirs statiques. Le plaisir statique est un état corporel et psychologique où nous sommes libérés de toute douleur, le bonheur est à son comble. Le plaisir mobile, en revanche, ne dure que le temps de son activité. Une vie qui suit ces plaisirs, comme les cyrénaïques, consiste à remplir une jarre percée. Les plaisirs mobiles sont donc en réalité subordonnés aux plaisirs statiques. Le principe le plus important de la doctrine d'Épicure est de vivre selon la prudence quand on cherche le plaisir. La libération des troubles (ataraxie) est la marque suprême du bonheur : elle renvoie au quadruple remède ; vivre sans peur, avec les plaisirs de l'amitié et de nos souvenirs, en supprimant les fausses croyances sources d'angoisse et les douleurs évitables. Pour un épicurien, l'amour entre deux personnes n'existe que dans la proximité de la chair ; sans cette proximité, le sentiment amoureux n'a pas de consistance. Comme le fondement de toute réalité est la sensation corporelle, l'amour n'est donc pas un phénomène incorporel, absolu ou idéal, comme le croyait Platon (Platon dans le Banquet et le Phèdre décrit l'amour comme le moyen suprême d'atteindre les Idées éternelles). La doctrine d'Épicure peut être résumée par le tetrapharmakon (quadruple-remède), que fit graver Diogène d'Œnoanda (II e. s. av. J.-C.) sur le mur d'un portique à OEnoanda en Lycie (Asie Mineure). L'inscription était haute de 2,37 mètres et s'étendait sur environ 80 mètres. Elle comprenait environ 25.000 mots et occupait une surface d'environ 260 mètres carrés). Elle est résumée ainsi : on ne doit pas craindre les dieux ; on ne doit pas craindre la mort ; le bien est facile à atteindre ; on peut supprimer la douleur.
Le nom de pharmacie indique la finalité de la pensée épicurienne : il faut guérir les hommes des maux qui les accablent tout en sachant que le mot grec pharmakos signifie aussi bien "remède", "drogue", "philtre", que "poison" ou "venin", ou encore "teinture".
La question de la fiabilité des sensations est particulièrement débattue par les philosophes hellénistiques. Ce point sera développé dans la canonique, elle porte sur les critères (canon) de la vérité. Elle consiste en quatre sortes d'évidence : 1- La passion ou affection (pathos), évidence du plaisir et de la douleur. 2- La sensation ou impression sensible : c'est un état passif de la sensation, né du contact avec les choses, et qui nous fait connaître avec certitude la cause active et productrice. 3- L’erreur est expliquée par le jugement de la raison : les illusions des sens ne sont pas dans nos représentations, mais dans ce que nous y ajoutons par nos jugements, nos raisonnements, nos souvenirs, etc. 4- La prénotion (prolepsis) ce sont des conceptions générales intérieures à l'âme, formées par la répétition de la perception d’un objet sensible, mais qui deviennent antérieures à l'impression sensible en tant qu'expérience possible, et qui sont présupposées dans la compréhension que nous avons des mots que nous employons pour formuler des questions. Et l'intuition de la réflexion ou "focalisation" de la pensée : cette intuition fait concevoir l'univers dans son ensemble, en dépassant l'intuition sensible ; c'est la représentation d'un objet extérieur par l'appréhension de son image. Il invite ainsi à connaître la nature pour la démystifier, pour éviter de voir des causes magiques ou merveilleuses là où il n'y a qu'un mécanisme aveugle et amoral.
La souffrance morale viendrait ainsi du fait que l'on attribue à la nature une volonté ou une animation libre : en jugeant son action comme volontaire, on pense que la nature est "malveillante" ou "bienveillante" à notre égard. C'est une interprétation anthropomorphique de la nature (attribution d'émotions et de caractères moraux à la nature) qu'Épicure a combattu. Si la nature est aveugle et inanimée, il est absurde de louer ou de blâmer ses actions. L’Epicurisme développe la théorie des hypothèses multiples sur la cause d'un phénomène naturel. Les limites de notre connaissance font que pour tel phénomène donné, nous ne pouvons pas trancher entre telle ou telle hypothèse explicative. La philosophie naturelle épicurienne est fondée sur un petit nombre d'axiomes : 1- rien ne naît de rien ; 2- tout ne peut naître de tout ; 3- rien ne peut retourner au néant. La réalité dans sa totalité est composée de deux éléments : les atomes et le vide. Or, les atomes sont les parties insécables de la matière. L'hypothèse de l'atome découle alors nécessairement de l'axiome 3. Si tout peut retourner au néant, l'univers disparaît. L'atome est donc la réalité permanente de l'univers. L'atome est une réalité invisible, éternelle, immuable, inaltérable et une grandeur insécable mais non indivisible. Les atomes seraient les semences des choses (spermata), et non pas uniquement leurs composants.
En revanche, la couleur, l'odeur, etc, sont des attributs accidentels qui n'existent qu'au niveau phénoménal relativement à un sujet. Néanmoins, Épicure estime que cette réalité subjective a autant de réalité et est aussi vraie que la réalité fondamentale des atomes. Les atomes peuvent également vibrer sur place et s'agréger. Ils forment alors des corps de plus en plus complexes. Les atomes peuvent dévier de leur course, puisque celle-ci étant la même pour tous les atomes, ces derniers ne peuvent jamais se heurter. C'est là qu'Épicure introduit le fameux ciclamen (paregklisis), qui est une déviation spontanée, spatialement et temporellement indéterminée, et qui permet aux atomes de s'entrechoquer, ils peuvent alors s'assembler.
Épicure soutient la thèse de la pluralité des mondes, l’infinité de mondes existants, correspondant à l'infinité des combinaisons atomistiques. L’étude de l’âme fait partie de la physique (2). L'âme est un corps fait d'atomes, et qui possède des qualités qui sont des accidents des corps composés. C'est un souffle chaud et subtil dans lequel se trouvent la pensée et les affections. Sa liaison avec le corps permet la sensation ; une fois cet agrégat détruit, l'âme n'éprouve plus rien et se dissipe.
Jean-Bernard Pouchous - 2010.
Bibliographie :
A-01-3-1- Epicure, Pierre-Marie Morel, Lettre à Ménécée, éd. Flammarion, coll. GF, 2009.
A-01-3-2- Epicure, Lettre à Hérodote, Pythoclès et Ménécée, éd. Les Belles lettres, 2000.